Publié le 26 Décembre 2019

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Rédigé par jean françois

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Publié le 6 Décembre 2019

Le travail est-il libérateur ?

Ce midi ma planche va porter sur un thème central, autant pour nos vies profanes que maçonniques :

 

Le travail est-il libérateur ?

 

I – Le travail comme aliénation

II – Le travail comme expression de l’intelligence

III – Le travail comme libération

 

Introduction

J’ai l’habitude de commencer mon travail préparatoire à l’écriture d’une planche par jeter un coup à un petit dictionnaire des symboles que je possède depuis plus de 20 ans. Voyons voir le mot travail alors…pas moins de 40 occurrences, fatche de con- comme on dit chez moi - ça fait beaucoup. Le morceau est sans doute trop gros pour moi surtout couplé au concept de liberté. Mais,allez, je me lance en espérant que nous arrivions à en attraper quelques petites choses.

Seconde étape : l’étymologie. Le mot travail en français provient du latin « tripalium » qui signifie un instrument de torture.  Mais attention à ne pas faire une approche trop franco-centré car un certain nombre de langues européennes (allemand, anglais, espagnol, italien) utilise une racine sanscrit (â-rabh) comme origine et cette racine signifie : agir avec vigueur ce qui fait écho à la Colonne Boaz et permet de voir les choses un peu différemment.

Quoi qu’il en soit, le travail est connoté négativement en français et cela date de la Genèse. Avant qu’Adam ne pèche avec la pomme (chapitre 3 verset 9 « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ») le travail existait mais il n’est pas pénible. Le péché originel a donc  introduit l’homme dans la douleur (aucune connotation sexuelle MMTTCCF) : l’enfantement devient douloureux, la mort se fait angoissante et le travail devient pénible.

Cela signifie qu’il existe deux manières pour l’Homme de considérer le travail : soit comme une activité qui l’aliène et dans laquelle il est dépossédé de lui-même, soit comme une activité qui témoigne de sa capacité à transformer la nature et à travers laquelle il se libère.

I – Le travail comme aliénation

Le travail est un facteur d’aliénation inéluctable car il place l’homme devant une nécessité : celle de transformer la nature pour pourvoir à ses besoins vitaux. Même la pêche ou la chasse qui semblent offrir de manière immédiate de quoi nous nourrir supposent que l’on fabrique des outils et donc l’homme se trouve dans l’obligation de travailler pour fabriquer des silex qui lui permettront de fabriquer des armes qui lui permettront de chasser etc. Cette contrainte perdure car il faut bien encore aujourd’hui travailler pour gagner de quoi vivre (à l’exception des enfants et des anciens grâce aux fruits de la socio-démocratie et aux rentiers grâce aux fruits du capitalisme).

Mais le travail est aliénation aussi dans la mesure où sa spécialisation a entrainé une interdépendance  entre les hommes. Cette interdépendance a toujours existé y compris dans les sociétés primitives. Rousseau dans « L’Emile ou de l’éducation » souligne que la division du travail conduit d’abord, en vertu de la spécialisation qu’elle engendre, à une augmentation de productivité. Par ailleurs, elle accroît la réalisation personnelle puisque chaque individu choisit la tâche qu’il va remplir, celle pour laquelle il se sent le plus apte et avec laquelle il possède le plus d’affinité. Tâche dans laquelle la spécialisation va entrainer une certaine maitrise et ainsi combiner rapidement la réalisation personnelle et l’accroissement de la productivité. C’est beau sur le papier ; si l’individu peut réellement choisir ce que d’Holbach, Marx et Bourdieu réfuteront.  

Le travail est d’autant aliénant qu’il est répétitif. En effet, dans l’acte répétitif, l’homme perd son humanité. Sa réflexion n’est plus sollicitée. Le geste devient réflexe. L’homme est devenu machine. Son acte devient isolé, il n’a plus de rapport avec le résultat produit. Le film de Chaplin, « Les temps modernes » (1936) est une parfaite illustration de cette perte de sens.

Pour Marx (Le Capital - 1867) l’aliénation de l’ouvrier est double. D’abord, les machines plutôt que de rendre le travail moins pénible l’ont rendu répétitif et mécanique. Ensuite si les machines ont accru la productivité du travail tout en déshumanisant les hommes, seuls les détenteurs des moyens de production en ont retiré les bénéfices.

 

II – Le travail comme expression de l’intelligence

Le travail est ce par quoi l’homme se distingue de l’animal. En effet, le travail manifeste et l’intelligence de l’homme et le fait qu’il soit doté d’une consciente de faire ce qu’il fait. Pour être plus clair, je suis contraint de convoqué à nouveau  Marx (Le Capital - 1867). Il distingue le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte. La différence qui se dégage entre les deux c’est que – je cite – « le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. » Ainsi quand l’homme construit son projet, il l’élabore en fonction de l’utilité qu’il vise. Cette mise en forme du projet à travers le prisme de l’utilité souligne bien ce que l’intelligence humaine est capable. L’abeille, pour sa part, ne vise rien. Elle suit aveuglement son instinct sans en avoir conscience. Elle est soumise  à ses instincts là où l’homme peut mettre sa volonté au service de son travail en se basant sur le passé, soit en se projetant dans le futur.

Parce que l’homme est doué d’intelligence, il est, selon Bergson (in L’évolution créatrice), « homo faber. » C’est parce qu’il est « homo sapiens » qu’il est « homo faber », qu’il est en mesure de fabriquer ses outils et nous sommes entourés d’outils dans ce Temple. Soulignons que l’homme ne crée pas d’outils, il les fabrique puisque l’outil naît d’une transformation de la nature. Il faut avoir la capacité de se distancier de ses besoins, de reculer le moment de les satisfaire. La chance de l’homme est de ne pas avoir d’instrument intégré à son corps comme l’animal qui possède des cornes, un bec des ailes etc. L’homme ne dispose que d’une main, mais suffisamment agile pour fabriquer. C’est là le sens du mythe de Prométhée – celui qui vola la connaissance des arts et du feu aux dieux – et de Epiméthée, son frère, celui qui oublia les hommes dans sa charge de répartir entre toutes les espèces vivantes des biens pour leur permettre de survivre.

L’homme, donc, se transforme en transformant la nature parce qu’il développe des capacités qu’il ignorait jusqu’à lors. Il découvre dans le travail des potentialités qu’il ne soupçonnait pas. A travers le travail, l’homme se découvre et s’achemine vers une connaissance de soi toujours plus limpide.

 

III – Le travail comme libération

En réalité, l’homme gagne plus de choses dans le travail que dans le résultat lui-même du travail. C’est ce contre quoi s’élève Nietzsche dans le « Gai Savoir ». Il critique ceux qui cherchent à travers leur activité un bon salaire et qui sont capables alors, uniquement pour le salaire, de travailler sans plaisir. D’après lui, le problème qui naît lorsqu’on est attaché à l’argent que l’on gagne, c’est qu’on lui est alors aliéné. Je suis dépendant de ce que je vise à travers mon travail tandis que lorsque je travaille pour le plaisir, je ne cherche rien d’extérieur au travail lui-même. Je cherche le travail pour le travail, je ne cherche rien d’extérieur au travail.

Je suis ainsi responsable du sens donné à mon activité et ce sens ne provient pas de l’extérieur (du salaire ou d’une quelconque récompense). D’accord, cela est un idéal que peu d’hommes parviennent à atteindre. Nietzsche considère, en substance, qu’il ne faut pas vouloir à tout prix travailler car l’homme prend le risque de s’épuiser, de perdre cette vitalité qui lui est propre en s’éreintant dans une activité insipide. Mieux vaut l’ennui qui lui permettra de mobiliser en lui tout ce qui l’anime au profit d’une création à venir. Il faut accepter de connaître les affres de l’ennui car celui-ci finit par être propice à la création, création qui serait impossible si l’homme avait perdu son âme en travaillant pour répondre aux injonctions que la nature matérielle dicte en lui. Et si c’était cela le cœur du problème de notre société actuelle : ne plus savoir être oisif (en résistant aux assauts incessants de l’hyper connectivite) et donc ne pas avoir l’énergie, la disponibilité pour créer. Lorsque je vois la difficulté pour me concentrer à lire pour puis à écrire cette planche, je ne peux qu’acquiescer tristement.

Conclusion

Et nous Francs-Maçons quelle position avons-nous face  à cette question : le travail est-il libérateur ? La réponse se trouve sans doute, dès le 1er degré, dans notre rituel (le REAA ici) et dans notre outillage symbolique (déjà 7 outils sur le tableau de Loge, 17 mentionnés dans la « Symbolique maçonnique du 3ème millénaire » de Irène Mainguy).

Le rituel d’ouverture comporte pas moins de 35 fois le mot travail. A la demande du VM, le F 2nd Surv appelle «  les FF du travail à la récréation et de la recréation au Travail afin qu’ils en retirent profit et joie ». Le 1er Surv s’assure lui de « payer les ouvriers et qu’ils sont satisfaits ». Tout cela fait plus qu’écho avec la définition nietzschéenne du travail : la récréation rejoint l’oisiveté, le sens donné au travail qui procure la joie et la satisfaction, la paye qui n’est pas à négliger.

Lors de notre Initiation, nous effectuons notre 1er travail symbolique avec l’aide du F Expert et le soutien moral de tous les FF et SS présents entre les Colonnes. Ce soutien et cette aide sont également là pour tenir la « ferme résolution de travailler sans relâche à votre perfectionnement intellectuel et moral ».

Oui, le travail est libérateur pour les Francs-Maçons que nous sommes. Mais ce n’est pas celui du marche ou crève qui est trop souvent celui de notre civilisation.

Je souhaite conclure par une citation de René Guenon « l’idée de la valeur propre du travail bien fait, parce que conforme aux aptitudes de celui qui le fait…le travail est « la grande vocation de l’homme » et il contribue à faire de celui-ci l’image de Dieu, considéré comme l’artisan par excellence… » (1973, in, Initiation et Réalisation spirituelle).

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Rédigé par FR2

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Publié le 5 Décembre 2019

Cet article est reposté depuis la Franc Maçonnerie au Coeur.

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Rédigé par jean françois

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