Publié le 3 Mai 2017
La quadrature du cercle pose un problème très simple car vous le savez tous, il est impossible à résoudre. Même moi qui suis fâché depuis longtemps avec les mathématiques, je sais qu’il est impossible de construire un carré qui détient la même surface qu’un cercle. Il ne faut pas être un génie pour comprendre que la quadrature du cercle est le symbole même d’une impossibilité. Autrement dit, la quadrature du cercle réfère à un problème classique de mathématique qui appelle à construire un carré de même aire qu’un cercle à l’aide d’une règle et d’un compas, ce qui oblige à résoudre la racine carrée de «pi» (3,1415…, résumée en 3,1416) : je vous mets au défi de trouver cette racine carrée. C’est en tout cas l’énigme présumée sans solution qui a donné naissance à l’expression «chercher la quadrature du cercle» qui signifie dans le langage coutumier, «s’attaquer à un problème insoluble».
En apparence, il est bien vain de s’attaquer à tel casse-tête. Dans le même genre, on peut aussi essayer de prouver l’existence de Dieu. Mais un certain nombre d’entre vous diront : autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Pourquoi perdre son temps avec des question pareilles. Oui, franchement, à quoi bon se casser la tête ? Pour autant, un franç-maçon n’a-t-il pas des outils qui lui permettent de prendre un peu de hauteur ? Le compas et l’équerre ne sont-ils pas nos outils priviligiés ? L’équerre est un instrument dont la propriété est de rendre les corps carrés. L’équerre se dit « norma » en latin classique, ce qui a donné en français norme, normal, et lorsqu’un maçon place ses pieds et sa main droite en forme d’équerre, il se réfère à une norme. Le Compas provient de compasser (mesurer avec exactitude) issu du latin passus (le pas) et compassare (mesurer avec le pas), il désigne un instrument de tracé ou de mesure qui sert à mesurer des angles, transporter des longueurs ou tracer des circonférences ou des cercles. L’équerre associé au carré et le compas associé au cercle se retrouvent dans tous nos symboles et puis un génie Léonard de Vinci n’a-t-il pas dessiné un homme au centre d’un carré et d’un cercle ? Il y a donc là un symbole à creuser puisque cet homme au centre d’un carré et d’un cercle est le symbole même de l’Humanisme et du même coup de la Franç-maçonnerie. C’est ce que je vais essayer de vous démontrer à travers l’étude de ce fameux dessin que Léonard de Vinci a nommé L’homme de Vitruve. Bon, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, il y a une référence incontournable, c’est le logo de la société d’intérim Manpower, vous vous rappelez sûrement de la pub avec tous ces travailleurs qui font une chaîne pour construire une espèce de puzzle et cette voix grave, virile qui dit à la fin du clip : „Rejoignez-nous, Manpower”. Vous voyez bien tous de quoi je parle. Bon, en tout cas, cette image m’a aidé à trouver la clé maçonnique de la quadrature du cercle.
Au-delà de la question des proportions anatomiques idéales, on trouve dans l’homme de Vitruve un enseignement ésotérique, mobilisant certains archétypes universels fondamentaux. Livrons nous donc à une analyse plus approfondie du symbole afin comme disait le métaphysicien Ibn Arabî «de dissocier l’écorce du noyau et l’apparent du caché».
Examinons donc le premier archétype qui est symbolisé par le carré. Cette figure géométrique illustre la stabilité et la matière. Les quatre côtés représentent l’Homme limité dans une réalité finie, l’Homme basant son raisonnement sur les données sensibles ou rationnelles, en somme l’homme contemporain dont l’esprit est dominé par la raison, le calcul, la prévision et l’évaluation.
Tackh USHTE chef amérindien définissait d’ailleurs le cadre comme le symbole fondamental de l’homme blanc: «Le cadre de sa maison, des buildings où sont ses bureaux, avec des murs de séparation. Partout des angles et des rectangles : la porte qui interdit l’entrée aux étrangers, le dollar en billet de banque, la prison. Les rectangles, ses angles, un cadre. De même pour les gadgets de l’homme blanc – boîtes, boîtes et encore boîtes – téléviseurs, radios, machines à laver, ordinateurs, automobiles. Toutes ces boites ont des coins, des angles abrupts – des arêtes dans le temps, le temps de l’homme blanc, ses rendez-vous, le temps de ses pendules, ses heures de pointe – c’est ce que les coins signifient à mes yeux. Vous êtes devenus les prisonniers de toutes ces boîtes.» Affirmait-il.
Au carré on oppose traditionnellement le cercle, symbole reflétant l’infini, l’idéal, l’unité et la perfection. Car l’homme contenu dans le cercle est celui qui tente de transcender la matière par la réalisation spirituelle. Le cercle est la figure géométrique des corps stellaires qui composent l’Univers, il est aussi le symbole de la chaîne d’union qui de façon symbolique réunit toutes les formes de vie et d’intelligence dans l’univers. Tous, nous nous abritons dans le cercle, cercle tellurique de la terre d’abord puis cercle physiologique de l’utérus qui imprime au fœtus sa position arrondie. L’homme humaniste au coeur du cercle et du carré serait d’une certaine façon capable d’échapper aux limitations de temps et d’espace lorsqu’il s’élève au-dessus de sa conscience individuelle pour rejoindre une conscience cosmique. En fait, la quadrature du cercle représente une allégorie qui nous rappelle que le ciel est rond alors que la Terre est carrée. En faisant tourner l’équerre qui mesure le carré dans son plus grand diamètre, on obtient un cercle. Puisque la Terre est composée sous sa forme première de poussières d’étoiles, elle est en quelque sorte une transformation du ciel, le cercle se fait carré. Mais le carré doit redevenir rond : au terme de son évolution, la Terre doit fusionner avec le Ciel. Dans ce contexte, on peut observer que lorsque le carré tourne sur lui-même, autour d’un point central, il produit un cercle égal à lui-même, par ses quatre angles égaux. Ainsi, l’Essence peut animer la Matière puis la réintégrer dans une sphère. De la même manière, l’Homme de Vitruve est cet homme universel qui revient à l’androgynat primordial puisqu’il transcende la dualité des couples corps/esprit, terre/ciel, féminin/masculin et passif/actif, à l’image du symbole de la dualité du ying et du yang toujours en mouvement. Dans la philosophie chinoise, le yin et le yang sont deux catégories complémentaires, que l'on peut retrouver dans tous les aspects de la vie et de l'univers. Le Yin, représenté en noir, évoque entre autres, le principe féminin, la lune, l'obscurité, la fraîcheur, la réceptivité. Le Yang quant à lui (laissant apparaître le fond blanc), représente entre autres le principe masculin, le soleil, la luminosité, la chaleur, l'élan... Vous l’avez compris, le carré devient cercle «grâce au mouvement ». Et le symbole du carré en mouvement est le swastika qui est un carré en rotation autour d’un centre immobile. Le swastika est un symbole que l'on retrouve en Europe (y compris dans l'art chrétien), en Afrique, en Océanie, aux Amériques (Amérique précolombienne chez les Mayas et amérindiens) et en Asie jusqu'en Extrême-Orient. Il apparaît à l'époque néolithique pour la première fois dans la préécriture. L’ubiquité temporelle et spatiale de ce signe lui a parfois valu le nom de « symbole universel ». On peut le décrire comme une croix composée de quatre potences prenant la forme d'un gamma grec en capitale (Γ), d'où le nom de croix gammée qui lui est parfois donné. La vue de ce symbole peut donner envie de vomir mais il faut savoir qu’il traverse pratiquement toutes les civilisations, antique, mésopotamienne, chrétienne, byzantine, celte, hindouiste et bouddhiste. Il représente le feu central, la lumière primordiale, les quatre éléments, les quatre forces primordiales et les quatre points cardinaux. Ce symbole renvoie également à la roue solaire dont le mouvement génère la lumière originelle, il est le symbole cosmique de la transcendance.
Revenons à notre homme de Vitruve : il est très important de noter que Léonard de Vinci le place au centre de ces deux figures géométriques le carré et le cercle comme si l’homme était au centre de l’Univers ou en tout cas totalement connecté avec lui. Il ne faut pas oublier que Vitruve est un architecte romain du 1er siècle avant Jésus-Christ qui a beaucoup influencé les architectes de la Renaissance. Vitruve écrit : "...L’ordonnance d’un édifice consiste dans la proportion qui doit être soigneusement observée par les architectes. Or, la proportion dépend du rapport que les Grecs appellent analogie ; et, par rapport, il faut entendre la subordination des mesures au module, dans tout l’ensemble de l’ouvrage, ce par quoi toutes les proportions sont réglées ; car jamais un bâtiment ne pourra être bien ordonné s’il n’a cette proportion et ce rapport, et si toutes les parties ne sont, les unes par rapport aux autres, comme le sont celles du corps d’un homme bien formé... " Vitruve propose donc comme modèle de proportion, le corps de l’homme. Car l’homme, partie intégrante de l’univers ordonné, est un élément en réduction de ce cosmos, un microcosme. Les proportions de son corps sont une des manifestations de cette mise en symétrie de l’ordre cosmique, de son harmonie. Il reprend ainsi à son compte les idées de Platon dans le Timée où il conçoit la cité parfaite (Le dialogue du Timée débute par un résumé de la constitution idéale, puis se poursuit par la guerre victorieuse de l’Athènes d’avant contre l’ennemi atlante et la chute de l’Atlantide. Platon cherche ainsi à fonder la constitution idéale décrite dans La République en montrant que dans l’Athènes d’avant, les choses étaient conformes à ce modèle d’excellence, qui lui-même répondait aux fins d’un être humain qui trouvait sa place dans cette cité, cet univers organisé).
Léonard de Vinci est par définition l’homme architecte de la Renaissance, il dessinera cette cité idéale et il écrit à ce propos: « L’étude de la philosophie sert aussi à rendre parfait l’architecte qui doit avoir l’âme grande et hardie... » Pour bâtir cette citée de perfection il faut d´abord être soi-même parfait, bâtir sa propre maison comme un simple maçon, c´est à dire son corps et son esprit. Quand chaque individu complètera son évolution, ce n´est qu´alors que les hommes pourront construire ensemble une ville en harmonie avec le Cosmos. Ce qui revient à l´adage de la Table d´Emeraude construite par Hermès Trismégiste, le fondateur de l'alchimie : „Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut. Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux”. Vous reconnaissez là le symbole du VITRIOL du cabinet de réflexion. Le Franç-maçon doit être capable de renaitre de ses cendres pour avoir accès à une vérité supérieure et pour comprendre que notre Temple est l´intermédiaire entre le ciel, la voute étoilée et la terre, le pavé mosaïque, entre le haut et le Bas. Seulement à travers le Temple on obtient la quadrature du cercle, l'union indissoluble de l'esprit et de la matière. Léonard l’architecte ou l’homme humaniste placé dans le Temple atteint la quadrature du cercle. Voilà, le problème est résolu. Vinci a peint son autoportrait dans ce cercle, Léonard est dans le Temple, il a atteint la quadrature du cercle : il est le temple de la création ! Et chaque Franç-maçon fort de ses propres outils peut résoudre sa propre quadrature du cercle. Tout est une question d’équilibre et de réglage, de recherche constante en mouvement.
Pour conclure en beauté, on peut également relever que roue mais aussi cercle se dit ‘chakra’ en sanscrit. C’est le nom des sept centres énergétiques du corps ; le coccyx, le sexe, le nombril, le cœur, la gorge, le front et la fontanelle. Mises en mouvement, ces sept roues ouvrent la porte des sept cieux qui conduisent à l’autoréalisation. Voilà ce qu’il vous reste à faire : notre cabinet de réflexion doit se transformer en cabinet de méditation. Méditez, exercez votre souffle et votre esprit, libérez vos chakras et vous atteindrez la plénitude de l’âme. Bon, je sais que dans cette assemblée, certains sont sceptiques, ils me diront que l’autoréalisation, c’est de la foutaise. Je leur dirai alors d’utiliser seulement leur outil de maître le compas. Cet instrument est par excellence un symbole d’ouverture. L’apprenti ayant son compas contre sa chair rentre en fait dans un espace temps qui permet d’échapper au bruit du monde profane. De surcroît, la pointe du compas tournée vers le haut peut être interprété comme le désir d’aller dans les étoiles et d’accéder à la connaissance. L’homme de Vitruve est bien l’image du franç-maçon explorateur des espaces infinis, découvreur d’espaces plus intimes, le symbole de l’homme complet : un esprit sain dans un corps sain, un esprit connecté aux autres et à l’univers. L'inscription de l'homme de Vitruve dans la double géométrie du carré et du cercle fait de celui-ci un être double : l'homme terrestre, réalité finie, relative, disposant certes de la raison mais pas de celle qui lui permettrait d'accéder à l'au-delà de celle-ci ; et l'homme pouvant entrer en contact avec l'infini, avec la transcendance, avec l'universel et le ciel. Le passage de l'un à l'autre s'effectue par la mise en mouvement du carré à partir de sa représentation sous l'antique forme du svastika qui se mue en cercle.
J’ai dit V.M.