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Publié le 6 Décembre 2019

Le travail est-il libérateur ?

Ce midi ma planche va porter sur un thème central, autant pour nos vies profanes que maçonniques :

 

Le travail est-il libérateur ?

 

I – Le travail comme aliénation

II – Le travail comme expression de l’intelligence

III – Le travail comme libération

 

Introduction

J’ai l’habitude de commencer mon travail préparatoire à l’écriture d’une planche par jeter un coup à un petit dictionnaire des symboles que je possède depuis plus de 20 ans. Voyons voir le mot travail alors…pas moins de 40 occurrences, fatche de con- comme on dit chez moi - ça fait beaucoup. Le morceau est sans doute trop gros pour moi surtout couplé au concept de liberté. Mais,allez, je me lance en espérant que nous arrivions à en attraper quelques petites choses.

Seconde étape : l’étymologie. Le mot travail en français provient du latin « tripalium » qui signifie un instrument de torture.  Mais attention à ne pas faire une approche trop franco-centré car un certain nombre de langues européennes (allemand, anglais, espagnol, italien) utilise une racine sanscrit (â-rabh) comme origine et cette racine signifie : agir avec vigueur ce qui fait écho à la Colonne Boaz et permet de voir les choses un peu différemment.

Quoi qu’il en soit, le travail est connoté négativement en français et cela date de la Genèse. Avant qu’Adam ne pèche avec la pomme (chapitre 3 verset 9 « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ») le travail existait mais il n’est pas pénible. Le péché originel a donc  introduit l’homme dans la douleur (aucune connotation sexuelle MMTTCCF) : l’enfantement devient douloureux, la mort se fait angoissante et le travail devient pénible.

Cela signifie qu’il existe deux manières pour l’Homme de considérer le travail : soit comme une activité qui l’aliène et dans laquelle il est dépossédé de lui-même, soit comme une activité qui témoigne de sa capacité à transformer la nature et à travers laquelle il se libère.

I – Le travail comme aliénation

Le travail est un facteur d’aliénation inéluctable car il place l’homme devant une nécessité : celle de transformer la nature pour pourvoir à ses besoins vitaux. Même la pêche ou la chasse qui semblent offrir de manière immédiate de quoi nous nourrir supposent que l’on fabrique des outils et donc l’homme se trouve dans l’obligation de travailler pour fabriquer des silex qui lui permettront de fabriquer des armes qui lui permettront de chasser etc. Cette contrainte perdure car il faut bien encore aujourd’hui travailler pour gagner de quoi vivre (à l’exception des enfants et des anciens grâce aux fruits de la socio-démocratie et aux rentiers grâce aux fruits du capitalisme).

Mais le travail est aliénation aussi dans la mesure où sa spécialisation a entrainé une interdépendance  entre les hommes. Cette interdépendance a toujours existé y compris dans les sociétés primitives. Rousseau dans « L’Emile ou de l’éducation » souligne que la division du travail conduit d’abord, en vertu de la spécialisation qu’elle engendre, à une augmentation de productivité. Par ailleurs, elle accroît la réalisation personnelle puisque chaque individu choisit la tâche qu’il va remplir, celle pour laquelle il se sent le plus apte et avec laquelle il possède le plus d’affinité. Tâche dans laquelle la spécialisation va entrainer une certaine maitrise et ainsi combiner rapidement la réalisation personnelle et l’accroissement de la productivité. C’est beau sur le papier ; si l’individu peut réellement choisir ce que d’Holbach, Marx et Bourdieu réfuteront.  

Le travail est d’autant aliénant qu’il est répétitif. En effet, dans l’acte répétitif, l’homme perd son humanité. Sa réflexion n’est plus sollicitée. Le geste devient réflexe. L’homme est devenu machine. Son acte devient isolé, il n’a plus de rapport avec le résultat produit. Le film de Chaplin, « Les temps modernes » (1936) est une parfaite illustration de cette perte de sens.

Pour Marx (Le Capital - 1867) l’aliénation de l’ouvrier est double. D’abord, les machines plutôt que de rendre le travail moins pénible l’ont rendu répétitif et mécanique. Ensuite si les machines ont accru la productivité du travail tout en déshumanisant les hommes, seuls les détenteurs des moyens de production en ont retiré les bénéfices.

 

II – Le travail comme expression de l’intelligence

Le travail est ce par quoi l’homme se distingue de l’animal. En effet, le travail manifeste et l’intelligence de l’homme et le fait qu’il soit doté d’une consciente de faire ce qu’il fait. Pour être plus clair, je suis contraint de convoqué à nouveau  Marx (Le Capital - 1867). Il distingue le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte. La différence qui se dégage entre les deux c’est que – je cite – « le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. » Ainsi quand l’homme construit son projet, il l’élabore en fonction de l’utilité qu’il vise. Cette mise en forme du projet à travers le prisme de l’utilité souligne bien ce que l’intelligence humaine est capable. L’abeille, pour sa part, ne vise rien. Elle suit aveuglement son instinct sans en avoir conscience. Elle est soumise  à ses instincts là où l’homme peut mettre sa volonté au service de son travail en se basant sur le passé, soit en se projetant dans le futur.

Parce que l’homme est doué d’intelligence, il est, selon Bergson (in L’évolution créatrice), « homo faber. » C’est parce qu’il est « homo sapiens » qu’il est « homo faber », qu’il est en mesure de fabriquer ses outils et nous sommes entourés d’outils dans ce Temple. Soulignons que l’homme ne crée pas d’outils, il les fabrique puisque l’outil naît d’une transformation de la nature. Il faut avoir la capacité de se distancier de ses besoins, de reculer le moment de les satisfaire. La chance de l’homme est de ne pas avoir d’instrument intégré à son corps comme l’animal qui possède des cornes, un bec des ailes etc. L’homme ne dispose que d’une main, mais suffisamment agile pour fabriquer. C’est là le sens du mythe de Prométhée – celui qui vola la connaissance des arts et du feu aux dieux – et de Epiméthée, son frère, celui qui oublia les hommes dans sa charge de répartir entre toutes les espèces vivantes des biens pour leur permettre de survivre.

L’homme, donc, se transforme en transformant la nature parce qu’il développe des capacités qu’il ignorait jusqu’à lors. Il découvre dans le travail des potentialités qu’il ne soupçonnait pas. A travers le travail, l’homme se découvre et s’achemine vers une connaissance de soi toujours plus limpide.

 

III – Le travail comme libération

En réalité, l’homme gagne plus de choses dans le travail que dans le résultat lui-même du travail. C’est ce contre quoi s’élève Nietzsche dans le « Gai Savoir ». Il critique ceux qui cherchent à travers leur activité un bon salaire et qui sont capables alors, uniquement pour le salaire, de travailler sans plaisir. D’après lui, le problème qui naît lorsqu’on est attaché à l’argent que l’on gagne, c’est qu’on lui est alors aliéné. Je suis dépendant de ce que je vise à travers mon travail tandis que lorsque je travaille pour le plaisir, je ne cherche rien d’extérieur au travail lui-même. Je cherche le travail pour le travail, je ne cherche rien d’extérieur au travail.

Je suis ainsi responsable du sens donné à mon activité et ce sens ne provient pas de l’extérieur (du salaire ou d’une quelconque récompense). D’accord, cela est un idéal que peu d’hommes parviennent à atteindre. Nietzsche considère, en substance, qu’il ne faut pas vouloir à tout prix travailler car l’homme prend le risque de s’épuiser, de perdre cette vitalité qui lui est propre en s’éreintant dans une activité insipide. Mieux vaut l’ennui qui lui permettra de mobiliser en lui tout ce qui l’anime au profit d’une création à venir. Il faut accepter de connaître les affres de l’ennui car celui-ci finit par être propice à la création, création qui serait impossible si l’homme avait perdu son âme en travaillant pour répondre aux injonctions que la nature matérielle dicte en lui. Et si c’était cela le cœur du problème de notre société actuelle : ne plus savoir être oisif (en résistant aux assauts incessants de l’hyper connectivite) et donc ne pas avoir l’énergie, la disponibilité pour créer. Lorsque je vois la difficulté pour me concentrer à lire pour puis à écrire cette planche, je ne peux qu’acquiescer tristement.

Conclusion

Et nous Francs-Maçons quelle position avons-nous face  à cette question : le travail est-il libérateur ? La réponse se trouve sans doute, dès le 1er degré, dans notre rituel (le REAA ici) et dans notre outillage symbolique (déjà 7 outils sur le tableau de Loge, 17 mentionnés dans la « Symbolique maçonnique du 3ème millénaire » de Irène Mainguy).

Le rituel d’ouverture comporte pas moins de 35 fois le mot travail. A la demande du VM, le F 2nd Surv appelle «  les FF du travail à la récréation et de la recréation au Travail afin qu’ils en retirent profit et joie ». Le 1er Surv s’assure lui de « payer les ouvriers et qu’ils sont satisfaits ». Tout cela fait plus qu’écho avec la définition nietzschéenne du travail : la récréation rejoint l’oisiveté, le sens donné au travail qui procure la joie et la satisfaction, la paye qui n’est pas à négliger.

Lors de notre Initiation, nous effectuons notre 1er travail symbolique avec l’aide du F Expert et le soutien moral de tous les FF et SS présents entre les Colonnes. Ce soutien et cette aide sont également là pour tenir la « ferme résolution de travailler sans relâche à votre perfectionnement intellectuel et moral ».

Oui, le travail est libérateur pour les Francs-Maçons que nous sommes. Mais ce n’est pas celui du marche ou crève qui est trop souvent celui de notre civilisation.

Je souhaite conclure par une citation de René Guenon « l’idée de la valeur propre du travail bien fait, parce que conforme aux aptitudes de celui qui le fait…le travail est « la grande vocation de l’homme » et il contribue à faire de celui-ci l’image de Dieu, considéré comme l’artisan par excellence… » (1973, in, Initiation et Réalisation spirituelle).

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Publié le 15 Septembre 2019

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Publié le 24 Mars 2019

La pornographie en 2019

Lors de mon passage sous le bandeau, un frère présent sur les colonnes ce midi m’a posé cette question: “ La pornographie est-elle morale”? Question qui aurait pu rester de la sphère privée, si Internet n’avait pas une fois de plus désorganisé les traditions.

 

 

Préambule

 

Les sujets polémiques nécessitent souvent de faire des compromis, plus ou moins stables, et qui divisent l’opinion. Chaque époque a vécu des évolutions, parfois violentes lorsqu’une communauté en a eu assez de ces situations, notre histoire est remplie de ces évolutions / révolutions, qui parfois nous paraissent un bien pour l’Homme, parfois c’est plus discutable: Le statut des minorités, l’IVG, la position sociale des homosexuels, le divorce, le pouvoir des lobbies, les robots, la Pornographie…

 

Les avancées technologiques en règle générale, et la montée en puissance de l’internet depuis 10  ans bousculent  le fonctionnement de nos sociétés, et obligent les penseurs, et les législateurs à s’exprimer et à agir.

 

La Pornographie a toujours été sujet à discussion, mais lorsque les choix de chacun portaient sur l’achat d’un magazine du haut d’une étagère dont la couverture était masquée, ou l’achat d’une cassette VHS dans un sex-shop, on pouvait laisser à chacun la liberté de passer à l’acte, et faire rentrer dans sa vie un moment de rencontre avec la pornographie, libre à chacun de son avis sur la question. La situation est bien différente maintenant avec l’explosion de la pornographie sur internet. Il était donc temps de plancher sur le sujet.

 

 

Introduction

 

La Pornographie  est une représentation obscène de la nature humaine ou animale.  Un sujet que l’on n’aborde pas  avec n’importe qui: Je ne vous parle pas d’Art ou de la littérature érotique,...

 

Le terme «pornographie» vient du grec porno qui signifie «prostituée». La pornographie vise l’excitation sexuelle par l’exposition de gros plans d’organes génitaux de haute performance en action.  La plupart des films pornos sont faits par des hommes pour des hommes. Ils mettent généralement en scène des femmes soumises qui doivent assouvir les besoins sexuels d’hommes dominants. Dans ces films, les hommes peuvent avoir des rapports sexuels pendant des heures sans prendre de pause. Ils ont toujours une forte érection et ont un membre viril d’une taille souvent bien au-dessus de la moyenne. Les femmes, elles, sont présentées avec un appétit sexuel insatiable et ont un corps de rêve fabriqué par leur chirurgien esthétique, ou un ordinateur dans le cas des jeux pour adultes.  Les femmes atteignent l’orgasme avec une facilité déconcertante maintes fois lors de chaque rapport sexuel. Elles n’ont jamais de douleur et acceptent tout ce qu’on leur fait sans broncher, mieux encore, elles en redemandent...Notre quotidien à tous...


La pornographie est majoritairement dénuée d’affection, de tendresse, de sensualité et de regards complices, elle est centrée sur la performance des acteurs, l’intensité, la recherche de sensations fortes sans limites et la course aux orgasmes. Ces films pour adultes avertis qui sont loin de présenter une image équilibrée des relations hommes/femmes permettent de mettre en scène des fantasmes de tout genre (sexe à trois, en groupe, domination/soumission, sexe dans un lieu public, etc.)

 

 

Pourquoi la Pornographie?

 

La Pornographie touche à l’attirance animale des H et des F pour le sexe, aux fantasmes. On la trouve dans la littérature, les BD, la presse, le cinéma, les lieux publics, les médias...

 

Chaque adolescent découvre les pulsions charnelles, et plus rien n’est comme avant. Les mois et les années passent, notre homme travaille, fonde peut-être une famille, a peut-être des enfants, vote, paie des impôts, se bat pour sa survie ou pour rembourser ses emprunts,   croit ou non en un dieu. Certaines femmes sont libres de construire leur vie de couple, certaines n’ont pas le droit de  conduire, et cætera. Mais notre libido suit une vie parallèle, parfois inconsciente, parfois assumée, parfois refoulée. Construire sa vie ne veut pas dire enfouir dans le sable ses fantasmes. Une partie de nous reste adolescente jusqu'à notre mort.

 

 Ainsi en Mai 2011,  Dominique Strauss-Kahn est accusé d'acte sexuel criminel, de tentative de viol, d'abus sexuel et de séquestration. L’affaire met au jour une personnalité complexe qui ne peut vivre sans un recours régulier à des prostituées.

Que nous soyons Homme ou Femme, intelligents, riches et puissant, ou pauvre, nous grandissons avec nos fantasmes. Mais je vous rassure, le porno est là.

 

Petit état des lieux

 

L’industrie de la pornographie, reine d’Internet, touche tout le monde et est accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Bref, elle ne nous laisse jamais tomber et n’est pas près de disparaître puisqu’elle ne cesse de gagner en popularité.

 

Mettons de côté les situations extrêmes, le pire étant le Snuff, ou assassinat sexuel filmé et diffusé sur le Dark Web. Les perversions réservées à une minorité de malades mentaux, à l’exploitation illégale de la nature humaine, et la production de contenu pornographique, et concentrer notre attention sur la pornographie “ classique” diffusée sur le web. De même je n’évoquerai ce midi que les questions liées à la diffusion de la pornographie et laisserai de côté le sort des acteurs de la pornographie.

 

Les gouvernements légifèrent peu dans le domaine de la pornographie, malgré les questions fondamentales que la pornographie pose et une relative simplicité et universalité des mesures consensuelles qui pourraient être mises en place.  La société ne dispose que de peu d’informations de qualité sur le sujet. Les médias ne comprennent rien au capitalisme pornographique, les artistes, les participants à l’industrie de la pornographie ne parlent pas beaucoup, et ceux qui parlent n’ont qu’une vision parcellaire du secteur.

Les sites internet pour adultes occupent 4,41 % de l'ensemble des visites mondiales sur internet. Le 7eme plus gros site internet au monde en nombre de visiteurs est un site Adulte gratuit.

Les pays les plus gros consommateurs de porn payant sont les  États-Unis, suivis de pays européens comme l’Allemagne, puis l’Angleterre. Le Capitalisme perverti les masses, les allemands sont des cochons, et les anglais veulent quitter l’Europe, donc tout va bien pour nous les francophones européens. Sauf que la majorité des sites internet européens passent par des hébergeurs belges. Ahhhhh ces Belges, des sacré coquins…. Sauf que les 2 plus importants sites internet francophones ne sont pas canadiens ni belges mais français, Marc Dorcel, et Merci Qui?  Merci Jacquie  et Michel, deux sites bien français, l’un se voulant du porno chic, et l’autre de la France profonde.

Fait sociologique plus intéressant: Apparaissent en tête de liste des consommateurs de Porno Gratuit des pays conservateurs tels que  l'Iraq, l'Égypte, la Turquie, l’Inde. Les frustrations collectives favoriseraient  la consommation de porno gratuite et anonyme?  Par ailleurs la consommation de porno explose avec l’urbanisme, 70% des consommateurs résidant dans les villes de plus de 100 000 habitants. 95% sont des Hommes, hétérosexuels, et le porno se visionne à 75% depuis un équipement mobile contre 35% il y a 4 ans…. On n'arrête donc pas le progrès.  Voilà pour les quelques données chiffrées et géographiques. Concernant les types de porno les plus consommés, ils deviennent de plus en plus violents et sexistes, mais les niches les plus demandées n’ont pas changées depuis 15 ans.  Le Porno suit la tendance du cinéma traditionnel, les thèmes n’ont pas changé d’un iota, mais les représentations sont bien plus violentes.

 

Le faible engagement des pouvoirs en place

Tout est  pour le mieux dans le meilleur des mondes, l’homme grandit avec ses fantasmes, les geeks ont inventé le Net, l’Homme visionne du porno, prend des séances privées auprès de Cameras Girls, ou surfe sur des sites de rencontres occasionnelles. 

Le porno se banalise donc, avec notre bénédiction: absence de lobbies à qui parler, législateurs  inactifs sur des sujets pourtant brûlants: protection des  enfants, image de la femme rabaissée,  violences,  illégalité, fraudes fiscales, risque d'accoutumance. La liste est longue des polémiques légitimes à l’encontre du porno. Et pourtant, malgré une problématique relativement peu complexe, le secteur de la Pornographie bénéficie d’un laxisme ambiant, et les questions gênantes trouvent des explications bienveillantes et rassurantes. Quelques sociologues, féministes, organismes de santé publique, religions, dénoncent la pornographie, mais l'Être Humain veut la Pornographie, et notre fantasme collectif résiste passivement.

Visiter un site de porno, c’est un acte intime de liberté que de nombreux pays décident de ne pas entraver, tout simplement en n'encadrant pas la diffusion de la pornographie.  Ce laxisme évident entretient une situation unique en son genre: la diffusion  gratuite de films pornographiques en tous genres accessibles  en quelques clics. Le modèle est répandu: Le visiteur d’un site gratuit est matraqué  de publicités en ligne dont les annonceurs payent la diffusion, ce qui rend le site internet rentable OU encore: le visiteur du site paye pour visiter le site. Rien de bien spécifique au porno, internet est construit de cette façon. Sauf..... Que dans le porn le législateur laisse l’exploitant du site voler le contenu média à son producteur pour en tirer profit. Et ce en toute impunité: c’est la différence entre un You tube, et un youporn. L’un opère en toute légalité, l’autre....... aussi car... oops, pornhub, xvideos et autres tubes volent le contenu à leur propriétaire et ne sont pas inquiétés.

 

A l’inverse, Megaupload,  un site web non Porno proposait un service d'hébergement de fichiers en un clic. Basé à Hong Kong, il possédait ou louait des serveurs aux États-Unis, aux Pays-Bas, au Canada et en France. Megaupload Accusé d'avoir violé les lois sur le copyright, a été fermé le 19 janvier 2012 par le département de la Justice des États-Unis, dans le cadre d'une campagne anti-piratage qui a conduit à l'arrêt de centaines de sites considérés comme illégaux.  Cependant  la vraie raison de la fermeture était principalement due aux lobbys de l'industrie du cinéma.
 

Dans le même temps,  le poids lourd du secteur Adulte Mindgeek installé  à Montréal avec ses 600 informaticiens opère dans un contexte tout aussi illégal sans être inquiété.

 

Les américains font donc preuve d’une étrange léthargie quant au vol de contenu par les tubes, mais se sont positionnés depuis 15 ans sur la conformité des contenus à des normes éthiques strictes. Chaque état n’a pas le même niveau d’exigence, mais la législation fédérale dite 2257 est devenue depuis 10 ans la Norme de l’industrie. Elle  s’intéresse à la conformité des contenus.  Les acteurs doivent être majeurs, consentants, et le contenu produit doit respecter les bonnes mœurs. La scatologie, la zoophilie, l’atteinte aux valeurs de la république, et le droit des marques sont contrôlés très strictement. En revanche aux États-Unis, pour protéger les enfants, une simple page d’avertissement est obligatoire avant la vision des sites. Une bien mauvaise plaisanterie. Il faut vous dire qu’en Allemagne l’absence de cette page d'atterrissage est punie de prison, pour le propriétaire du site, les exploitants, et les distributeurs.

 

Alors comment expliquer ces paradoxes? Le poids des lobbys? Le lobby du porno  n’existe pas vraiment, et le porno gratuit est un produit utile qu’il convient de laisser tranquille, car il aurait des effets bénéfiques sur la criminalité et la violence, ce qui n’a jamais été démontré. Le gratuit tue donc le payant à petit feu dans le porno, mais les états ferment les yeux car la situation arrange bien tout le monde. Et cet espace de pseudo liberté est un racket organisé dont font les frais les opérateurs de la chaine du porno, de la production des films, à la consommation, et rendent les travailleurs du Porno encore plus marginalisés.

Certains réseaux sociaux  eux en revanche ont pris une position très claire, qui a mon sens est une leçon pour Google et l’ensemble d’internet: Il y a ceux qui sont destinés aux adultes, et les autres qui ferment la porte au porno, et ne s’en cachent pas. Depuis le 15 octobre, Facebook, site américain,  bannit tout contenu qui «facilite, encourage ou coordonne les rencontres sexuelles entre adultes». Cela concerne notamment les déclarations «implicites» du type «à la recherche d'un bon moment ce soir», des propos relevant de «l'argot sexuel», «la mention de rôles sexuels, de positions, de scénarios fétichistes» ou encore «la préférence du partenaire sexuel ». Sur ce dernier point, qui a fait l'objet de plusieurs critiques, Facebook précise que s'il est interdit de nommer explicitement ce que l'on souhaite faire avec un partenaire sexuel, il est tout à fait possible de partager son orientation sexuelle personnelle («je suis gay», «je suis lesbienne», etc.) sur le réseau social.

Enfin, il est désormais interdit de publier des œuvres d'art, qu'elles soient «dessinées à la main, numériques ou réelles» représentant une activité sexuelle explicite. Ces nouvelles règles concernent également Instagram, qui appartient à Facebook depuis 2012. Il est aussi possible pour les internautes de signaler ce type de sollicitations sexuelles s'ils apparaissent dans leurs conversations privées sur Messenger. Par exemple, parler ouvertement de ses fantasmes n'est pas la même chose que de partager des posts relatifs à un réseau de prostitution. Désormais, Facebook interdit clairement les deux.

Avec ces derniers changements, Facebook intensifie encore un peu plus sa lutte contre la prolifération de contenus à caractère sexuel sur sa plateforme. La nudité n'est autorisée que sous de rares exceptions: scènes d'accouchement, dépistage d'un cancer, allaitement, opération chirurgicale type mastectomie, contenus à des fins humoristiques, satiriques ou pédagogiques.

Ces nouvelles règles concernant la sollicitation sexuelle sont mises en ligne alors qu'une autre grande plateforme sociale, Tumblr, vient d'interdire tous les contenus pornographiques sur son interface. Autant de décisions qui, selon certains internautes et militants, limitent la liberté d'expression et d'exploration sur le Web.

Ces décisions vont dans le sens d’une canalisation et d’un meilleur contrôle des navigations sur le net. Le Net a grandi dans un esprit de liberté sans contrôle. Il n’a pas  de frontière. Ceci rend  les dérives aisées: C’est le FAR WEST.  Néanmoins lorsqu'un gouvernement veut un respect de principes, il peut y arriver: Les Anglais nous donnent à ce sujet une bonne leçon:

 

En Angleterre une loi vient d'être votée obligeant les distributeurs de porno à authentifier les visiteurs de sites  à contenu adulte comme majeurs: les vérifications se feront via une carte de crédit, un numéro de sécurité sociale, ou un permis de conduire. Elles  seront confiées à des sociétés tierces s’engageant à ne pas utiliser les  données collectées. L’application de cette  loi est différée depuis deux ans, car elle n’est pas facile à mettre en œuvre. Elle est le fruit du travail des organismes de santé publique, et a été votée par la House of Common le 17 décembre 2018. Une première au Monde, si j’exclue la Chine et La Corée du nord bien évidemment. Les autres pays se contentent d’exiger  une Warning Page supposée être dissuasive. Je ne parle même pas de Google, qui laisse tourner ses algorithmes permettant à des enfants d'accéder à des contenus adultes en quelques clics.

 

L’Europe, elle, nous a offert une législation complexe relative à la protection des données personnelles au 1er janvier de cette année, le GDRP, mais reste molle quant aux questions brûlantes de la pornographie, et de la montée de la violence dans le  cinéma d’action, les jeux électroniques,.... Je voudrais bien voir un progrès Humain avancer à petits pas, mais  j’ai un peu de mal à fermer les yeux.

 

Les pours et les contres

 

Revenons donc plus en détails sur les effets supposés bénéfiques de  la pornographie:

Tout d’abord il ne faut pas se tromper. Ce n’est pas en jouant à GTA (Grand Theft Auto) que l’on apprend à conduire, le porno n’a aucune fonction éducative. Chacun est donc libre de juger, mais en tous cas le porno ne représente pas la Vie, il représente des fantasmes, essentiellement masculins, dominateurs sur la femme, violents et pervers.

 

La pornographie c’est, de la bouche de quelques sociologues contemporains:

 

1 La violence et la domination de l’Homme sur la femme:

Thérèse Hargot parle des effets de la société « hyper sexualité » :

« Nous nous sommes habitués à «déshumaniser femmes et hommes, faire des premières des appâts et des seconds des porcs à qui on peut faire avaler n’importe quoi», une acculturation permise par «des millions d’heures de vidéos pornographiques […] consommées par des adolescents à peine pubères, que dis-je, des enfants laissant libre court à des pulsions sexuelles qui, pourtant, demandent à être éduquées pour vivre en société. »

 

2. l’addiction:

Selon Alexis Rapin, c’est le même phénomène que pour les addictions aux substances. Et face à l’addiction, un autre penchant se met en place : le besoin de dépassement des limites. En visionnant de manière répétée des contenus pornographiques, la personne développe une tolérance au contenu qui va entraîner un besoin de dépassement des limites. Ces personnes se dirigent vers des contenus de plus en plus extrêmes.
« La réalité est alors souvent bien insipide pour ces personnes, celle-ci ne s’y retrouvant plus entre leur imaginaire sexuelle et la réalité de leurs codes d’attraction sexuelle. »

 

3. L’insécurité
B.J. Foster, parle des conséquences de la pornographie: « L’utilisation du porno par un mari valide toutes les choses négatives que sa femme pense d’elle-même. Si seulement elle avait l’air différente, si elle avait perdu du poids, si elle était blonde, sexy, si elle portait de meilleurs vêtements ou si elle tenait bien sa taille, toutes les choses qui inondaient son cerveau et, plus important encore, son cœur.

 

4. L’inutilité
Les personnes visionnent de la pornographie souvent comme une échappatoire à leur réalité. Zachary Horner s’exprime ainsi :
« La lutte contre la pornographie ne fait pas de vous une mauvaise personne. Cela signifie simplement que vous avez une lutte à combattre, ainsi que des comportements néfastes sur lesquels vous devez travailler et dont vous devez prendre soin. Nous ne sommes pas définis par une seule de nos actions. »

5. Le divorce: Edward L. Winkfield parle de la pornographie comme d’une « relation extra-conjugale »:
« Certains commettent l’erreur de considérer la pornographie comme une alternative innocente à une relation extra-conjugale. Pourtant, des études sur le cerveau ont montré que l’esprit ne différencie pas facilement de telles expériences réelles par rapport à des expériences imaginaires. Par conséquent, pour le cerveau, il n’y a pratiquement aucune différence entre la visualisation de matériel pornographique et une véritable relation sexuelle avec une autre personne, en particulier lors du rappel de l’expérience. »

De nombreuses recherches ont été effectuées sur les effets de la pornographie. Selon les conclusions du Marriage and Religion Research Institute (un Institut de recherches sur le mariage et la religion), par exemple, « la pornographie est une représentation visuelle de la sexualité qui fausse la conception de la nature des relations conjugales. Elle modifie les attitudes et les comportements sexuels. C’est une menace majeure au mariage, à la famille, aux enfants et au bonheur individuel. Et sapant le mariage, elle est l'un des facteurs à saper la stabilité sociale. »

 

La position de l’église catholique


Jésus-Christ a révélé ce que Dieu pense de la convoitise sexuelle dans Matthieu 5:27-28 : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras point d’adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. » Regarder de la pornographie est un péché, vous vous en doutiez…

 

Ce que je retiens, finalement, mon avis: Le porno est une revanche du fantasme masculin sur la réalité du rapport hommes-femmes. Certaines personnes aiment en consommer de temps en temps sans que cela ne pose de problème dans leur vie. Par contre, une consommation intensive de pornographie peut mener à une grande souffrance pour soi-même, son couple, sa vie professionnelle, familiale et sociale. La pornographie peut devenir une véritable drogue. Et quand les législateurs ne font pas leur travail, c’est signe d’une addiction sociale collective, d’un meurtre de la femme par l’homme cautionné par la société.

 

Petite conclusion de cet état des lieux:

La Pornographie a évolué vers la violence, en raison d’une diffusion non canalisée et gratuite. Les opérateurs de canaux de distribution se sont engouffrés dans la brèche pour s’enrichir, je ne vois pas d’autre raison. La Responsabilité du Net est engagée,  sous prétexte de Liberté, souvent en réalité un terrain de jeu hors-la-loi, les réactions trop molles des législateurs font le reste. Le sujet était polémique, mais restait dans la sphère du privé, une fois de plus internet a bousculé le monde, plutôt pour le pire que le meilleur.

De façon plus générale je trouve que le pseudo liberté dont se targue le Net est un prétexte à tous les abus, aux interdits légaux, d'ordre éthique et/ou culturels, pour le bonheur des pirates, des spéculateurs en tous genres. On loue les effets Disrupteurs du Net qui vient bousculer les valeurs conservatrices de notre génération. Cela banalise tous les excès. En conclusion, finalement, ce n’est pas la pornographie en elle-même qui est dangereuse, mais la P combinée a la diffusion sur le Net. La Pornographie en soi peut vivre et répondre s notre pulsion de fantasmes, à condition qu’elle reste dans la sphère privée.

Accélérons donc  les règlementations relatives à internet, car nous laissons par notre passivité un espace de non-droit appauvrir notre humanité.

 

La pornographie en 2019

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Publié le 17 Février 2019

Le temps

Le VM maître de notre atelier, m’a passé commande d’une planche symbolique, à
la fin de l’année maçonnique 6018. Après quelques jours de réflexions et quelques
propositions formulées, notre choix s’est arrêté sur un symbole qui ne figure pas sur le
tableau de loge du temple et qui pourtant est très présent dans notre rituel et représenté
par le sablier dans le cabinet de réflexion : Le temps !


J’étais assis, je contemplais le Danube couler. Le soleil d’hiver inondait Budapest. Il y a
comme ça des instants magiques où le temps semble suspendu. Ce fleuve puissant
s’écoule comme le temps, immuablement. Quelques nuages au-dessus de ma tête se
reflètent dans ma montre, le temps passe si vite. Il fait beau ! Mais cette planche n’avance
pas, plus je réfléchis, plus il me semble qu’appréhender le temps est complexe. Je
regarde de nouveau ma montre :
* qu’est ce que je sais du temps, comment puis-je le définir ?
* pourquoi parler du temps?
* Le temps symbole maçonnique
* qu’est-ce que ce symbole nous apporte ?


1/ Qu’est-ce que le temps ?
Bon décidément, je n y arrive pas. Machinalement j’ouvre Wikipédia sur mon téléphone
portable : « Le temps est une notion [...] La somme des réponses ne suffit pas à dégager
un concept satisfaisant du temps […] Il n'existe pas de mesure du temps de la même
manière qu'il existe, par exemple, une mesure de la charge électrique. Dans ce qui suit, il
faudra comprendre « mesure de la durée » en lieu et place de mesure du temps ». Je
ferme Wikipédia. C’est vrai, autant j arrive bien à évaluer la durée : une année, un mois,
une journée, une heure, une minute, une seconde autant la notion même de temps ne va
pas de soi. Alors VM, on fait quoi on change le titre de la planche et on parle de la durée
plutôt que du temps ?
Arrivé chez moi, j’ouvre le dictionnaire Hachette : "Dimension de l’univers selon laquelle
semble s’ordonner la succession irréversible des phénomènes, le temps et l’espace", « le
mouvement et le temps sont relatifs l’un à l’autre » disait Pascal. Le mot temps peut définir
plusieurs notions : le temps en musique, mais aussi en conjugaison, en mécanique les
phases du cycle d'un moteur…Etc. Rassurez-vous il n’est pas dans mes intentions de
vous faire un inventaire exhaustif de toutes les manières d’appréhender la notion de
temps, le sujet est trop vaste, et je n’en aurais pas le temps. Parce que, dès que l’on veut
saisir la nature du temps, nous nous perdons dans un flou artistique, un brouillard très
secret, Etienne Klein écrit : « Si nous cherchons à circonscrire la nature du temps avec
des mots précis, d’abord , le temps s’acoquine avec plusieurs entrées dans le dictionnaire,
il s’éparpille en une multitude de renvois, il s’habille, se déguise en vagues synonymes :
durée, successions, changement, mouvements, météo etc… » Quatre pages dans le
grand Robert, pour essayer de comprendre le temps, se rendre compte que ce petit mot
occupe une place unique dans l’expression du langage courant : en littérature, en
philosophie, dans les sciences, dans la poésie, même dans les chansons populaires,
celles qui nous rappellent que la vie est brève, les amours éphémères et la mort certaine,
pour le cas où, distraits par trop de bonheur, nous l’aurions oublié.

Blaise Pascal considérait que le temps fait partie de ces notions évidentes, sur lesquelles
tout le monde s'entend assez, mais néanmoins indéfinissables. Ce sont les souvenirs, les
rêveries et le changement (comme le vieillissement) qui nous donnent l'idée que le temps
« a passé ». Il faut néanmoins distinguer, deux conceptions fondamentales du temps en
philosophie: le temps physique (mesuré par la montre, le calendrier, la chronologie,...) et le
temps vécu en notre conscience.


Les trois directions du temps vécu :
Le présent est au temps ce que le point est à la ligne géométrique. Il s'agit d'une interface,
d'une limite sans épaisseur, entre le passé et le futur. Ce présent atomique, coincé entre
un passé récent et un futur proche, est aussi le temps de la conscience. Le souvenir et la
préméditation n'appartiennent pas respectivement au passé et au futur mais au présent.
Ainsi, Saint Augustin distingue dans ses Confessions trois temps :
* Le présent du passé: la mémoire.
* Le présent du présent: la conscience actuelle ou l'intuition directe.
* Le présent du futur: l'attente.
Le passé est le temps de la nostalgie et de l'imaginaire (l'introduction « il était une fois... »
des contes) et nous en sommes le fruit. Le futur est au contraire à la fois le temps de
l'espérance, des projets, et de la crainte (les aléas imprévisibles de la vie, et la mort
prévisible).
Notons que le présent n'a de sens que par rapport au passé et au futur : ce que je fais et
ce que je suis a en effet sa source dans le passé et son embouchure dans le futur.
Après ces lectures, c’est une évidence, le concept de temps est indissociable de celui de
durée et donc de la distance parcourue, cependant cette dimension très contractuelle,
peut être ressentie de manière très différente dans certaines régions du globe :
Certains dictons apportent une autre vision de notre relation au temps. Je vous en donne
2 exemples, d’abord un proverbe Africain : « Les blancs ont la montre, nous nous avons
le temps » et un proverbe Géorgien « C’est le temps qui règne, pas les rois ».
Nous pouvons donc distinguer le temps psychologique, appelé aussi « durée », qui est
celui que l'on éprouve en soi-même, intime et indivisible; et le temps objectif, qui est celui
de la mesure du temps. Remarquons pour finir le caractère irréversible autant du temps
physique que du temps psychologique, ce qui lui confère un aspect tragique (la vieillesse
et surtout la mort qui se profile à l'horizon): d'où le besoin irrépressible de ne pas
« perdre » son temps, car un temps « perdu » l'est définitivement.


2/ Pourquoi parler du temps ?
Parce que « le temps est la matière première de notre vie ». Nous en sommes tous les
otages et si le temps est un grand professeur, malheureusement, il finit par tuer ses
élèves. Et comment penser le temps sans se remémorer quelques vers de Lamartine :


« Ô temps ! suspend ton vol, et vous,
heures propices ! Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices,
Des plus beaux de nos jours ! »

Le temps, nous rappelle combien notre vie est éphémère,
Voilà la meilleure des raisons de parler du temps : c’est que, même si nous pensons
dominer le temps avec notre technologie, inévitablement nous le subissons, et la notion
même de temps nous échappe. Dans un même temps, nous sommes capables d’effectuer
des opérations boursières à la nanoseconde près , et, en même temps (comme dirait un
président contemporain), nous concevons des projets pour enterrer des déchets
nucléaires dont la radioactivité va durer plusieurs milliers d’année. Pourtant personne n’est
réellement capable d’appréhender la nanoseconde, pas plus que le demi-cycle de vie de
nos déchets nucléaires de plutonium 242, avec 373 300 ans, ou de plutonium 244
(plusieurs millions d’années). Nous avons beaucoup de mal à saisir le temps dès qu’il
dépasse le siècle c'est-à-dire 3 générations ou grosso-modo la durée de notre propre
espérance de vie. Mais dès qu’il s’agit de parler de temps historique ou, encore plus,
géologique... là, nous perdons pied. Pensez le temps que met une montagne à se former
par exemple ! Pensez notre histoire : La terre est née il y a 4,5 milliards d années, les
premiers hominidés il y a 7 millions d années. L’humanité, c’est-à-dire sapiens, aurait
selon les dernières découvertes à peine 300 000 ans. Nous changeons ici carrément
d’échelle! La naissance de l’agriculture, c’était il y a 12 000 ans, de l écriture : 6000 ans.
Nous sommes des êtres qui pensons le temps, ce temps que je vois filer, symbolisé par
l’écoulement des eaux du Danube. Pourtant, si l'on y réfléchit, l’histoire de l’humanité est
brève. Tellement brève, que nous sommes dans le « timefulness ». Combien d’entre nous
disent ne pas avoir le temps? En fait, le temps est un choix entre différentes activités. « Je
n’ai pas le temps » peut se traduire par « je n’ai pas pris le temps ». Nous sommes
tellement pressés, tellement dans une société de l’impatience, que nous jouons, par
exemple, la musique de Bach 30% plus vite qu’il y a 50 ans, et que le président de la
première puissance du monde impose sa politique non seulement au travers du réseau
social instantané qu’est Twitter mais, en plus, en 240 caractères maximum, ce qui est bien
la preuve que l’instantané est privilégié dans ce monde par rapport à la réflexion. Non
seulement la vitesse de circulation de l’information a modifié notre rapport au temps mais,
en plus, il semble que nous souffrions d’une peur de l’avenir. Vous connaissez tous
l’horloge de l’apocalypse, cette notation faite par d’éminents scientifiques sur les risques
qu’encourt l’humanité? Si dans les années 1990 nous étions à 23h44, aujourd’hui elle
pointerait ses aiguilles, selon ces mêmes experts, sur 23h58.
Alors que l’homme a toujours essayé de se projeter, en se rêvant conquérant des avenirs
enchanteurs par le progrès, il semble que le futur se soit absenté de notre actualité. Le
futur ne fait plus rêver ! Avec la prise de conscience de notre place dans l’écosystème et
de la finitude de notre planète, le futur est devenu cauchemardesque : environnement
dégradé, pollution, risques pandémiques, intégrismes, attentats, surpopulation….
D’ailleurs, nous sommes en droit de nous demander si la montée des populismes et des
conservatismes ne sont pas les conséquences de ce besoin de se réfugier dans des
systèmes connus. Le « c’était mieux avant » l’a emporté sur l’espérance en un avenir
meilleur. L’avenir fait peur, alors vivons au présent et surtout ne changeons rien à nos
habitudes! En outre, la précarisation des travailleurs, conséquence de la société
ultralibérale, renforce l’incapacité de la population à se projeter dans l’avenir. On retrouve
là une des revendications des gilets jaunes : « quand on n'arrive pas à terminer ses fins de
mois, comment se projeter dans un avenir à 15 ans ? » La réalité du capitalisme que nous
vivons au travers du téléphone portable, des chaines d’info en continu, de la
surconsommation à crédit, de la connexion aux réseaux sociaux et du zapping permanent
crée une dictature de l’instant et réduit l’homme à un état animal en l’obligeant à se
soumettre à la tyrannie de l’immédiateté.
On comprend alors toute cette frénésie pour les nouvelles technologies et, en particulier,
la nécessité pour certains du transhumanisme qui, d’ailleurs, est le fruit d’une ambigüité
entre technologie et sciences. Donc cette chronophobie, cette peur du temps qui passe
crée chez certains la nécessité de reprendre le contrôle, de retrouver une maîtrise
fantasmée sur la seule chose que l homme ne maîtrise pas : le temps, qui est irréversible.
Donc, la vie et la jeunesse éternelle ne sont pas compatibles avec cette irréversibilité, nos
corps s’usent, ils vieillissent et ils finissent par nous trahir irrémédiablement. Enfin, il faut
noter que le cyborgisme était au départ pensé comme un moyen de survivre dans un
environnement dégradé en upgradant son propre corps.
Tout ceci ne conduit pas notre société à prendre le recul nécessaire par rapport aux
enjeux auxquels nous sommes censés faire face si nous voulons que l'humanité puisse
continuer à exister.


3/ Le temps en tant que symbole maçonnique
Le temps est très présent dans notre rituel et dans notre temple.
Nos travaux prennent place de midi à minuit ce qui implique symboliquement une rupture
volontaire, une déconnexion du temps profane et c’est dans cet autre espace-temps que
nous traçons la représentation du temple de Salomon. Pourquoi changer d’espace-
temps ? A priori ce changement peut-être une façon de s’abstraire du temps ordinaire, du
temps social, du temps auquel nous nous soumettons dans le monde profane, mais
pourquoi faire ?
A l'image de l'équerre ce temps nous grandit verticalement et horizontalement. Ce temps
est une opportunité pour transformer nos préjugés, nos passions et en faire des éclairages
actifs sur notre chemin. Il nous permet de prendre du recul sur notre temps pour mieux le
comprendre, mieux l'appréhender, mieux le prévoir et nous y préparer. Le temps
maçonnique est une vraie résistance à la contraction du temps que nous impose notre
époque. N’est ce pas d’ailleurs là, notre rôle et aussi une des raisons de notre venue en
Franc-Maçonnerie ?
Le rituel permet de distinguer le temps profane qui précède et succède à un temps sacré
dédié aux travaux réservés aux seuls initiés, dans un temps immuable, un temps
immobile. Les travaux en loge se déroulent symboliquement entre « Midi et Minuit ». Quoi
qu’il en soit, il semble bien que nous vivions « comme un temps arrêté au cadran de la
montre ». Les aiguilles d'une horloge, à Midi comme à Minuit, ne sont-elles pas d'ailleurs à
la même place ?
« Midi » marque l’ouverture des travaux. Il s’agit du moment où le soleil se situe à son
zénith et offre donc le maximum de lumière pour éclairer les consciences. « Minuit »
marque la fermeture des travaux. Il s’agit du moment où la lune réfléchit la lumière dans la
voûte céleste, et invite à son tour l’initié à poursuivre une réflexion après les travaux en
loge par un travail de remémoration, réappropriation, maturation, pour poursuivre à
l’extérieur l’œuvre entreprise dans le temple. Pour entretenir la Lumière pour qu’elle
continue à briller en nous. Le temps maçonnique continue son œuvre en chacun de nous
comme un chemin parallèle à notre vie profane car après la fermeture des travaux, le
chantier commencé en chacun de nous continue.
Le paradoxe de « Midi Minuit » est de définir une limite temporelle tout en nous inscrivant
dans l'éternité, mais cela peut aussi, par analogie, évoquer le parcours d’une vie
maçonnique commençant à Midi avec l’initiation et se terminant à minuit avec l’Orient
Éternel. Mais, c est aussi un temps réitérable, cyclique qui va se répéter à l’identique par
une même ritualistique lors de chaque tenue.
La lecture du manuel de l’Apprenti apporte une vision supplémentaire de la présence du
temps. A la question « qu’as-tu vu lorsqu’on t’a donné la Lumière ? », celui-ci doit
répondre : « Le Soleil, la Lune et le Maître de la Loge », puis : « Comme le soleil préside à
la carrière du jour, et la Lune à celle de la nuit, le Vénérable Maître préside à la Loge pour
l’éclairer ». Soleil-Lune, lumière-ténèbres, jour-nuit, Midi-Minuit, travail-repos, tous vont par
deux, sans parler de la symbolique du pavé mosaïque. Il faut aussi indiquer qu’à chaque
grade est attribué un âge et que les trois lumières tournent dans le sens des aiguilles
d’une montre, autant d’éléments qui contribuent à l’évocation du temps.
Dans le même ordre d’idées, la règle graduée par les 24 divisions du cycle solaire
quotidien invite à un emploi judicieux de toutes les heures pour pouvoir mener à bien la
construction collective d’un édifice et de son temple intérieur. Mais perdre son temps,
n’est-ce pas justement en profiter ? Pour ma part, mais il est vrai que je suis sorti du circuit
professionnel, j’essaie de déguster chaque instant. Quoi qu’il en soit, l’écoulement du
temps n’a d’importance que par ce que l’on en fait. Dans cette perspective, le présent
serait alors comme le centre sur lequel le compas prend appui pour manifester l'union
parfaite et juste, sans commencement et sans fin. Pour explorer ce principe qui
rassemble, il faut compter sur l’action de notre esprit et de notre conscience.


4/ Pourquoi ce symbole
Dans l’introduction, j’ai mentionné le sablier du cabinet de réflexion comme symbole du
temps. Le passage obligé par le goulot constitue une étape importante, qui renvoie aux
épreuves que l’on doit affronter, avec la difficulté qu’implique tout changement d’état, telles
les épreuves subies par le profane lors de l’initiation et le passage par la porte étroite.
En tant que cycle, le retournement du sablier permet de vaincre la fin irrémédiable de
toutes choses. Il nous montre la possibilité d’un nouveau départ, et des opportunités qui
s’offrent à nous, voire un éternel recommencement. Mais, démarrer un nouveau cycle
nécessite une action. Renverser le sablier, c’est refuser de considérer un échec comme
une fin. Ce geste porte en lui une symbolique très forte. Car le franc-maçon ne s’inscrit
pas dans un cycle naturel, il doit sans cesse se remettre à l’ouvrage pour parfaire son chef
d’œuvre et prétendre ainsi se rapprocher du but ultime de tous maçons, devenir un
« Hiram ». Chaque maçon doit rester fidèle à son serment et, par ce fait, être un Don
Quichotte. Car même si, dans le livre, Don Quichotte meurt désillusionné, il est resté fidèle
à sa mission qui était de redresser les torts. Pourrions-nous tous en dire autant ?
L’écoulement des grains de sable se réalise naturellement par le seul effet de la
gravitation. Cette attraction vers le bas symbolise la tendance naturelle au conformisme,
voire la résignation, mais aussi un retour à nos instincts les plus vils. Au contraire, le
mouvement vers le haut nécessite d’agir pour aller à contre-courant de la pesanteur,
prendre son destin en main afin de s’élever sur le plan intellectuel, social et spirituel. Il en
va de même pour l’implication du maçon dans la société qui ne peut être améliorée que
par des actions individuelles et collectives tournées vers le changement.
Enfin, et comme nous sommes tous condamnés à passer un jour à l’orient éternel, la
transmission est au centre de notre démarche ainsi qu’il est rappelé lors de la chaine
d’union : « Notre action s'inscrit dans la continuité de celle de nos prédécesseurs qui la
formaient hier». C’est une autre façon de confirmer que notre travail doit s’inscrire dans le
temps long, que ce temps nous dépasse et que, après nous, la chaîne doit continuer
l’œuvre entreprise dans le temple. Un proverbe chinois dit « Pour les hommes, c’est le
temps qui passe, pour le temps ce sont les hommes qui passent. »
Le temps que nous vivons ici, dans le temple, est un temps symbolique pour nous
abstraire de la réalité du monde profane. Un temps immuable, atemporel, cyclique auquel
on accède par un rituel immuable, parce que le rôle de la Franc Maçonnerie est immuable.
Son seul et unique rôle, quelle que soit l’obédience ou le rite, est d'initier des hommes, de
transmettre une méthode et des outils dans le but de créer des maîtres maçons. Tout initié
est dans la quête de l' « Hiram » qui est en lui ! Notre but est de faire de notre existence
un chef d'œuvre qui n'appartient qu'à nous. Tous les Franc-maçons poursuivent la même
quête, celle qui fait que tout maçon tend jusqu'à son dernier souffle vers l'amélioration de
son chef d'œuvre intérieur. Et, parce que les mots secrets ont été perdus, il nous faut les
réinventer dans ce cycle continuel qu’est la Franc-Maçonnerie. C'est justement cela qui
fait que la méthode maçonnique est unique, car chacun trouve en lui une récompense à la
mesure de son travail et pour la trouver, pour que la méthode fonctionne il faut du temps,
parfois une vie. La méthode permet juste d’initier des processus qui, malgré nous, au-delà
des murs du temple contribuent à nous transformer même dans notre vie profane.
Pourtant mes Frères il semble que le temps profane nous ait contaminé, j’observe déjà
que certains frères regardent leur montre, les fenêtres de notre temple sont pourtant
grillagées si j'en juge la représentation du tableau des loges, mais les grillages ne font
aucun obstacle aux sons et aux voix du monde profane. Notre temple aurait-il été
contaminé par la rumeur de la rue de l’autre coté du mur?


Conclusion
En conclusion, je voudrais vous convaincre, mes frères, de ne pas gaspiller le temps,
surtout, ne le tuez pas, mais vivez le pleinement et pour reprendre les mots de Claude
Lelouch, dans son introduction au célèbre film « L’aventure c’est l’aventure », je veux vous
dire : « jouissez de la vie, il est déjà beaucoup plus tard que vous ne le pensez » !
Courage, rien ne résiste à l'épreuve du temps, il faudrait pouvoir vivre assez longtemps
pour s'en apercevoir soi-même.

Le temps

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Rédigé par FR2

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Publié le 5 Janvier 2019

Humanisme, humanismes

La Franc-Maçonnerie (FM) est une société qui revendique des principes humanistes. Nous le savons tous, nous le ressentons tous, et nous tentons d’appliquer aussi bien que possible ces principes. Mais quels principes, en fait ? Qu’entendons-nous par « humanisme » ? Que mettons-nous derrière ce concept ? Quand on se pose cette question, j’ai l’intuition de savoir de quoi il s’agit mais je serais bien en peine si vous me demandiez une définition précise. J’irai même jusqu’à dire qu’il est fort probable que nous en ayons tous une définition différente. C’est Yuval Noah Yarari, dans son livre « Sapiens, une brève histoire de l’humanité », que nous sommes plusieurs à avoir lu, qui m’a mis la puce à l’oreille en soulignant qu’il existe plusieurs types d’humanismes modernes. Cet étonnement m’a poussé à me poser des questions, auxquelles je vais tenter de répondre ce midi. La première est bien sûr la question d’une définition de l’humanisme en tant que tel. On s’aperçoit rapidement que ce mot, cette notion évolue depuis la fin du Moyen-âge et qu’elle a connu de multiples évolutions. Jusqu’à devenir une notion diluée et fourre-tout dans laquelle chacun puise et pose ce qu’il peut. Je vais donc essayer de faire un peu le ménage en vous proposant quelques pistes. Le deuxième volet de mon travail aujourd’hui s’attache à savoir ce que la FM considère comme des valeurs humanistes. J’ai donc fouillé pour voir ce qui s’y trouvait. Et puis pour finir, il m’a semblé intéressant de poser la question de savoir ce que  moi je mets derrière ma tentative de définition de l’humanisme. Et peut-être même que vous pourrez compléter ou amender ma proposition.

         Tout d’abord, le mot humanisme a une histoire. Il est lui-même dérivé du mot homme, qui a donné aussi humain, humaniste et humanité. Au Moyen-âge, les érudits parle de studia humanitatis pour désigner l'étude de « ce qui caractérise l'être humain », puis l'expression litterae humaniores que l'on peut traduire par « enseignements profanes » qui s’oppose aux enseignements divins et sacrés. Lorsque le français supplante le latin en tant que langue usuelle apparaît le terme humanités, pour désigner les collèges dispensant l'enseignement des arts libéraux, qui correspondrait aujourd’hui aux sciences humaines et sociales, les lettres et les langues. On a appelé « humanistes » ceux qui avaient une bonne connaissance de ces disciplines. Le mot « humanisme » n’apparaît qu'en 1765, dans le journal Éphémérides du citoyen et signifie « amour de l'humanité ». Il reste toutefois inusité pendant plusieurs décennies car il est concurrencé par le mot « philanthropie », lui-même attesté plus de 200 ans plus tôt à partir de 1551.

Les pierres angulaires historiques de l’humanisme       

Historiquement, l’humanisme a pris son essor à la Renaissance. Mais ses origines remontent à l’Antiquité grecque et aux fondements même du judéo-christianisme. Nous avons donc une matrice à deux têtes. Pour ce qui est du judaïsme, tout commence en mettant l’homme au centre du monde, en l’érigeant comme un être supérieur aux autres espèces du fait de son état de conscience, et d’un don de la notion de bien et de mal, donc d’une certaine éthique. L’humanité est née de la désobéissance d’Adam et Eve. Avec le christianisme, Dieu s’incarne et devient homme, humain dans la peau de Jésus. Jésus qui mettait l’Amour de l’homme, l’Amour des hommes, au-dessus de toute chose. Voilà une définition chrétienne de l’humanisme. 

Que ce soit par leurs auteurs tragiques ou leurs philosophes, les grecs célèbrent l’homme dans sa grandeur, dans son intelligence, dans ses passions, dans sa puissance. Protagoras est considéré comme un fondateur de l’humanisme de l’Antiquité avec sa citation célèbre « l’homme est la mesure de toute chose ». Mais Platon, Socrate et Aristote ont aussi développée un courant de pensée basé sur l’être humain. Platon, en tant qu’idéaliste métaphysique, s’est davantage orienté vers les modes de la pensée humaine alors qu’Aristote, son disciple, prend un autre chemin. Pour lui, l’homme doit parachever sa qualité d’homme en développant une certaine culture qui le guidera vers une certaine perfection.

Les philosophes romains aussi développent une réflexion centrée sur l’homme et sa façon d’appréhender le monde, mais ils innovent en plaçant l’homme dans l’histoire en lui faisant prendre une distance grâce à la forme fictionnelle que prennent ces récits. Nous sommes aux alentours du 5e siècle.

LE MOYEN-AGE

L’empire romain décline, l’Europe entre dans le Moyen-âge pour 1000 ans. Pendant le Moyen-âge, les humanistes sont ceux qui suivent des études d’humanités, la plupart du temps des cléricaux. A cette époque, les cadres du clergé sont des érudits, ouverts à la connaissance.

Pendant  presque 1000 ans, le christianisme s’est implanté inexorablement, on passe d’une puissance capable de structurer l’Europe à la chute de l’Empire romain à une organisation supranationale qui influence les politiques nationales ou régionales et qui pose le cadre des modes de conduite des européens (sauf des juifs) en tuant pour hérésie tous ceux qui ne s’y soumettent pas. Mais cette période n’est pas le débat du jour. J’abrège. Vers le 13e siècle, un courant de pensée émerge, la scolastique, qui veut concilier la philosophie grecque et la théologie chrétienne. On commence à parler d’humanisme chrétien qui associe foi chrétienne et raison. Mais les critiques pensent que cet humaniste est théocentrique, cad centré sur Dieu et qu’il n’est destiné qu’à calmer les ardeurs de ceux qui sont en désaccord avec la pensée chrétienne dominante de l’époque.

1000 ans après la fin de l’Antiquité, c’est l’époque de la Renaissance. Nous sommes au 15e siècle. Pourquoi s’appelle-t-elle la Renaissance ? Et bien c’est parce qu’on assiste à la renaissance de l’Antiquité gréco-romaine. Le christianisme est en crise de légitimité avec l’Empire Ottoman qui le chasse d’une partie de l’Orient et surtout de Terre Sainte, la démographie explose, la société européenne est en mutation, la bourgeoisie apparait et elle commence à imposer ses propres valeurs. Les œuvres grecques sont redécouvertes par l’intermédiaire des traductions en arabe, les œuvres latines sont à nouveau étudiées.

Le 15e siècle est ce que Harari appelle « la découverte de l’ignorance ». C’est le début de l’époque des grandes découvertes, des expéditions maritimes (1492) et de l’imprimerie. On s’aperçoit alors que le monde est grand, que la connaissance progresse.  La référence aux Écritures reste centrale et jamais remise en question. Toutefois, en Italie, berceau de la Renaissance, une nouvelle éthique qui concerne les règles de l'éducation des enfants tout autant que les vertus du citoyen : l'homme y est décrit comme à un être à la fois réfléchi (méditant le rapport entre l'utile et l'honorable) et social (mettant en balance les intérêts individuels et l'intérêt général), ceci en dehors de toute référence religieuse.

La notion selon laquelle le Beau est identique à l'Idée suprême, qui est aussi le Bien, fond le dogme chrétien dans la pensée platonicienne, contribuant à abolir la limite entre profane et sacré. Ceci contribue à inciter les mécènes à commander des œuvres d’art, ce qui explique en partie la profusion artistique de l’époque.

Au 16e siècle, les échanges marchands prennent de plus en plus d’ampleur en Europe. Ceci associé aux développements de l’imprimerie, c’est la circulation des idées qui s’accélère. La scolastique est critiquée et perd de la vitesse au profit d’un humanisme qui se veut une conception du monde à part entière, sans être limité à la conception de Dieu. C’est d’ailleurs au nom de l’humanisme que les populations indigène d’Amérique du Sud sont contraintes d’adopter les croyances européennes, pour leur propre salut, pense-t-on à l’époque.

Les découvertes et les expérimentions de Léonard de Vinci, Copernic, et d’autres encore témoignent d'une ouverture au monde sensible par l'entremise de l'expérience et du raisonnement méthodique, et constituent le fondement de la science moderne. Ce qui caractérise en premier lieu la science, c'est l'approche existentielle du monde, tant le macrocosme (l'univers) que le microcosme (l'être humain).

L’époque de la Renaissance est donc fondamentalement caractérisée par l’ouverture des champs de recherche, qui deviennent complémentaires par la même occasion.

Les LUMIERES DES 17 et 18e SIECLES

L’humanisme de la Renaissance laisse un héritage qui va se faire sentir tout au long des 17, 18 et 19e siècles (et même au-delà). En plus du développement scientifique, on observe l’émergence  sur trois niveaux : philosophique, politique et économique et social. Au niveau philosophique, l’idée selon laquelle chacun peut penser de façon autonome par rapport à la foi devient communément admise. Cette idée, aussi banale qu’elle puisse paraitre de nos jours, est une véritable révolution des mentalités, puisqu’elle amène au déisme, puis à l’agnosticisme et enfin à l’athéisme. Et comme on peut penser de façon indépendante, on peut aussi s’organiser de façon plus indépendante. Les organisations politiques se détachent petit à petit de l’emprise religieuse. Ceci ouvre la voie à la philosophie de l'homme, qui se détache des Dieux et qui cherche sa place dans le monde. Ces questionnements engagent vers un renouveau politique grâce à un nouvel idéal démocratique. Le pouvoir politique et économique glisse des mains des religieux dans les mains de la bourgeoisie. On entre dans l’ère du libéralisme. Ces changements de mains amènent de nouveaux idéaux d’émancipation qui, couplés aux avancées techniques, permettent d’amorcer un nouveau processus économique. On l’appellera plus tard la Révolution Industrielle. Cela continue d'alimenter les questions que l'homme se pose sur lui-même.

Ces évolutions prennent beaucoup de temps. Elle s’inscrivent dans un contexte particulier comme nous venons de le voir au niveau de changements sociétaux importants. Mais il faut garder à l’esprit que ces mouvements sociétaux sont également accompagnés par des évolutions dans les mentalités, souvent amorcés par les philosophes. Au 17e siècle, l’autonomisation de la pensée et de la démarche scientifique apporte une tension de plus en plus forte entre la foi et la raison. La morale et la vision de l’histoire ne sont plus du seul chef de l’autorité religieuse mais elles prennent leur autonomie. Vers la fin du 17e s., on commence à exprimer des véhémences contre l’absolutisme royal pour aller vers un système de démocratie représentative. C’est l’époque du discours de la méthode de Descartes, c’est le moment où Spinoza invite l’homme à dépasser sa basse condition en accédant au bonheur par la connaissance. Les développements scientifiques de Newton, Galilée et bien d’autres, associés aux idées philosophique de l’air du temps amènent un mode de pensée abstraite, conceptuelle. Ce siècle voit l’homme se prendre, ou se reprendre en main. Et pose les jalons pour l’arrivée du siècle des Lumières.

Le 18e, donc. Pierre angulaire de la pensée moderne, cadre philosophique fondamental et référence absolue de la Franc-maçonnerie. Selon Stéphane Pujol, « La philosophie des Lumières s'est élaborée à travers une méthode, le relativisme, et un idéal, l'universalisme »85. La confrontation de cette méthode et de cet idéal contribue à ce qu'au xviiie siècle, l'ensemble du débat philosophique oscille entre deux pôles : l'individu (tel ou tel humain, considéré dans sa singularité) et la société (la totalité des humains). C’est en cherchant à définir la place de l’homme que la philosophie des Lumières est humaniste par excellence. 4 mots pour la définir : Liberté, connaissance, histoire et bonheur. 4 concepts fondamentaux qui définissent encore aujourd’hui les axes de la pensée moderne. Pour faire simple, la liberté, c’est la liberté de penser, c’est comme le disait Kant c’est la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières » Les différences entre les philosophes des Lumières réside dans les modalités à mettre en œuvre pour conquérir cette liberté. La connaissance, c’est la connaissance du monde, du vivant, de l’histoire et de l’homme dans l’histoire. Le 3e mot clé était l’histoire. On assiste à la naissance de la philosophie de l’histoire, on se demande si l’histoire a un sens et l’historicisme nait comme une doctrine selon laquelle les connaissances et les valeurs d'une société sont liées à son contexte historique. Et enfin le bonheur et sa recherche, qui vient se substituer au salut chrétien. Il n’est pas à espérer de salut dans l’au-delà, mais on se doit de chercher un bonheur ici et maintenant.

Les idées des Lumières sont bien dans le prolongement des idées humanistes de la Renaissance, elles deviennent des idéaux en tentant de définir l’homme, d’une part dans les positions ouvertement athées, et d’autres part, dans une dynamique empirique, cad qu’on veut du concret, de l’applicable, de l’utile. C’est dans cet esprit qu’apparait la notion de droits de l’homme d’abord en 1776 dans l’Etat de Virginie, puis en 1793 en France avec la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Mais la fin du 18 s. voit apparaître les premières désillusions et cela va perdurer au 19e s.

L’ERE INDUSTRIELLE

Les idées lumineuses des Lumières s’avèrent trop utopiques face à la montée des nationalismes, aux conflits suite à la Révolution française, aux guerres napoléoniennes, à un Etat totalitaire puis à l’esclavage et  à l’industrialisation inégalitariste qui crée une nouvelle misère. C’est le siècle du romantisme dont Baudelaire est une figure de proue et dont le magnifique pessimisme s’est réincarné dans la chair de certains de nos FF ici présent. Les romantiques critiques avec ardeur en leur opposant toute les faiblesses psychologique que l’homme rencontre et vit. Les intellectuels sont en prise avec leurs inquiétudes alors que la bourgeoisie, elle, réagit par l’action philanthropique. La Société philanthropique nait à Paris en 1780 (toujours active aujourd’hui) et elle définit ainsi ses principes : « Un des principaux devoirs des hommes est (...) de concourir au bien de (leurs) semblables, d'étendre leur bonheur, de diminuer leurs maux. (...) Voici une belle définition de l’humanisme. Certaines critiques affirment que cet humanisme revendiqué n’est rien de plus qu’une charité chrétienne laïcisée. D’autres critiquent cette bourgeoisie qui est aux commandes du pouvoir industriel et commercial et dont le but n’est que de justifier ces actions alors qu’elles ne profitent finalement que peu à l’intérêt collectif et davantage à leur intérêts directs de capitalistes. Ceci à donner naissance à un mouvement désireux d’humaniser le capitalisme, j’ai nommé le socialisme.  Ce mouvement apparaît en 1820, ils sont humanistes dans le sens qu’ils refusent que l’homme soit considéré comme un outil de production. Leur problème n’est pas l’industrialisation, ils la considèrent comme un moteur extraordinaire de progrès social. Cette foi dans le progrès met la production au service du bien-être collectif. Ce mouvement correspond à l’émergence d’un athéisme fort, à Darwin qui déclare que l’homme est le cousin du singe contredisant ainsi les théories religieuse de la création des espèces par le Créateur. C’est le moment où Karl Marx annonce que « la religion est l’opium du peuple » et où Nietzsche qui annoncera que « Dieu est mort ». La rupture entre Dieu le Père et Dieu le Concept est consommée.

 

Le 19e siècle voit émerger l’économie politique, la sociologie politique, l’économie politique, les liens entre économie et sociologie sont tissés. La psychologie prend son envol. Les démarches de recherches sont toujours plus scientifiques et objectives. Devant la profusion de domaines de recherches, Auguste Conte fait les comptes et un peu avant la première moitié du 19e, il réalise une classification entre les sciences dites « dures » (mathématiques, sciences de la vie et de la terre, etc.) et les sciences humaines. C’est l’époque de la rationalisation. A ce moment-là, c’est intéressant de voir que, autant la théologie avait été reléguée au second rang par la philosophie, autant la philosophie elle-même, trop idéalisant et pas assez pragmatique pour l’époque, se fait relayer par les nouvelles disciplines scientifiques, respectées pour leur vision du monde objective, expérimentale et pratique. L’humanisme perd à ce moment son sens d’études des humanités au profit de ce qu’il conviendra dorénavant d’appeler les sciences humaines. Mais il garde son sens de réflexion sur la place de l’homme

Cette évolution est un changement majeur pour ce qui concerne l’humanisme à partir de la fin du 19e siècle. 

 

L’HUMANISME AU 20e SIECLE

On constate tout au long du 20 e siècle une floraison de variations conceptuelles autour de l’idée d’humanisme. Les humanismes se succèdent et se juxtaposent tout au long du 20e siècle. L’humanisme marxiste est né à la mort de Karl Marx et devient une doctrine qui deviendra au fil du siècle le léninisme puis le trotskisme pour aboutir sur un humanisme révolutionnaire veut que l’homme s’accomplisse par la lutte des classe en faveur des opprimés et des exploités et par la lutte contre le capitalisme. On trouve l’humanisme chrétien qui propose une critique de la chosification de l’homme dans un monde utilitariste et productiviste. Il y a l’humanisme athée qui reproche à la religion et à la foi en Dieu d’empêcher l’humain de s’épanouir. La psychologie humaniste également arrive dans la place au début des années 40. Sa théorie de la motivation et du besoin (connue sous le nom de pyramide des besoins de Maslow) postule que l’homme est fondamentalement  bon et aussi que le comportement des hommes est régi par la satisfaction de différents besoins : viennent d'abord les besoins physiologiques élémentaires, puis les besoins de sécurité ; ensuite le besoin d’être aimé des autres puis celui d’être reconnu par eux. Chaque besoin assouvi conduit les humains à aspirer à la satisfaction d’un besoin supérieur. Au sommet de la pyramide vient le besoin d’accomplissement de soi. En parallèle, et paradoxalement, elle part de l’idée que l’homme est fondamentalement bon, qu’il peut s’autodéterminer, faire des choix personnels pour se débarrasser des conditionnements qui freinent sa liberté. Et on voit bien que ça vient plutôt en contradiction avec la théorie de la satisfaction des besoins. L’humanisme scientiste dans les années 50, promeut l'idée que les humains sont désormais capables de dépasser leur condition grâce à la science et aux moyens techniques. Vous voyez comment celui-ci va évoluer, j’y reviendrai tout à l’heure.

Ironie de l’histoire, quelques années plus tard, après la découverte des camps de concentration et l’utilisation de la bombe atomique, le mouvement humaniste dans toute sa diversité prend un sérieux coup avec ce qu’on appellera la faillite de la raison. Les intellectuels au sortir de la guerre se demandent comment il est possible que la raison ait été défaillante au point de ne pas pouvoir anticiper la barbarie puis empêcher qu'elle perdure. A ce moment, on se demande si le mot humanisme a encore du sens.

 

LA CRISE DE L’HUMANISME

La deuxième moitié du 20e siècle est, à mes yeux une période transition. Les guerres mondiales et la guerre froide, les régimes totalitaires et les crises économiques ont marqué au fer rouge les mentalités et ébranlent à nouveau les repères. Le premier résultat est que les courants humanistes de la première moitié du 20e sont mis face à leurs incohérences et ses contradictions du coup elles perdent de la vitesse.

Au cours de cette seconde moitié du 20e siècle la pensée humaniste se transforme. Ce n’est plus seulement l’homme et sa place dans le monde qui sont l’objet d’étude, mais l’humanisme en tant que tel.

Et alors que les mentalités sont encore sous le choc, c’est l’avènement de la société de consommation qui trouve son salut dans la consommation à outrance. Les penseurs humanistes de l’époque dénoncent l’antihumanisme d’une société qui non seulement ne provoque pas l’émancipation des individus mais au contraire les assujettit à un fort désir de consommer et génère une uniformisation des modes de vie, un nivellement des consciences. La critique du consumérisme est bien faible face au rouleau compresseur de la société de consommation qui modifie fondamentalement la nature de la société et le rapport de l’homme à la technique. Ce développement de la consommation s’accompagne par le développement technique et certains humanistes rejettent la technique en tant que source d’asservissement de l’homme. Mais face à cela, Heidegger a une position intéressante, souvent considérée comme antihumaniste, mais en réalité les choses sont plus complexes. Je vais vous citer l’analyse qu’en fait Jean-Claude Guillebaud: « Pour Heidegger, le désenchantement du monde, son asservissement par la technique, l'assujettissement de l'humanitas à la rationalité marchande ne sont pas des atteintes portées à l'humanisme, mais l'aboutissement de l'humanisme lui-même. C'est-à-dire du projet d'artificialisation complète de la nature par la culture humaine, d'un arraisonnement du naturel par le culturel, d'une volonté de maîtrise absolue du réel par la rationalité humaine. (...) Pour Heidegger, la science, la technique, la technoscience, ne constituent en rien un naufrage de l'humanisme traditionnel, mais tout au contraire son étrange triomphe. »

Par ailleurs, l’humanisme politique qui divise l’humanité en deux camps, le capitalisme et le socialisme, amorce progressivement sa décadence jusqu’à l’échec de l'idéal socialiste. Cet échec entraîne avec lui la mort lente de l’humanisme politique qui est accélérée dès les années 80 par la montée en toute puissante d’un libéralisme ravageur pour la pensée humaniste. Tout cela a pour effet de faire perdre confiance en la société pour résoudre les questions humanistes, et peu à peu s’opère une individuation de la société (Ce qui différencie un individu d'un autre de la même espèce, le fait exister comme individu.) En parallèle de cela, s’opère l'institutionnalisation de l’humanisme, qui devient de l’humanitaire par la création en 1948 de l’ONU qui adopte la déclaration des droits de l’homme comme idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations pour favoriser la progression de l’homme et de l’ordre, puis l’UNESCO en 1952.

C’est aussi l’époque de la montée des critiques de l’humanisme et les appels pour un nouvel humanisme. Debord estime que, complètement immergés dans la société de consommation et l'univers des mass media, les humains sont façonnés par eux, « aliénés », au point de devenir des « barbares ». Pour lui, l’humanisme n’est plus.  Foucault va plus loin en disant que l’humanisme n’a jamais été qu’une illusion occidentale, une croyance culturelle. On ne retrouve pas d’humanisme dans d’autres cultures du monde. Mais certains comme Jean-Michel Besnier continuent d’y croire et œuvrent pour un humanisme paradoxal et tragique, non dogmatique : «  Ayons le courage d'admettre que l'homme est méchant et naturellement égoïste, que la culture ne le met pas à l'abri des régressions vers la barbarie; Un pessimisme actif vaut mieux qu'un optimisme béat, la régulation des conflits est préférable au confort éphémère des consensus »

La pensée humaniste est à l’agonie, discréditée, elle n’arrive plus à penser l’homme dans une société de plus en plus complexe. Cependant, la pensée ne s’arrête jamais et le progrès technique pousse les intellectuels à se poser la question de l’articulation entre l’homme et la technique.

 

L’AVENEMENT DU POST-HUMANISME

A la toute fin du 20e siècle, l’humanisme à bout de souffle va se métamorphoser en post-humanisme. En 1998, dans son essai Règles pour le parc humain, sous-titré Une lettre en réponse à la Lettre sur l'humanisme de Heidegger, le philosophe Peter Sloterdijk va porter le coup de grâce. Il considère que l'humanisme, par l'intermédiaire des livres, a longtemps servi aux hommes à se donner une consistance, une raison d'être, une bonne conscience : cela leur a permis de « se domestiquer ». Mais l'avènement de la culture de masse et la prétendue « révolution » numérique clôturent définitivement cette époque : le temps de l'humanisme est révolu, ridiculisé par la pensée dominante. Il l'est d'autant plus que, malgré les bonnes intentions qu'il affichait, il a dégénéré en bolchévisme ou en fascisme. Alors qu’est-ce que le post-humanisme.? C’est un courant de pensée qui traite du rapport de l'humain aux technologies (biotechnologies incluses) et du changement radical et inéluctable que cette relation a provoqué ou risque de provoquer dans l'avenir. Dans le sillage du post-humanisme, on trouve le transhumanisme. Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international qui prône l'usage des sciences et des techniques afin d'améliorer la condition humaine notamment par l'augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains. Au 21e siècle, le post-humanisme déplace aussi le débat sur la question de l’humanité, à une époque où les humains peuvent changer de sexe ou de genre, où les humains peuvent communiquer avec les robots, les robots peuvent échanger de l’information entre eux, où la génétique permet des modifications fondamentales de nature, une époque où les frontières du cadre social sont en profonde mutation à cause des réseaux sociaux.

 

Il est intéressant de constater qu’on se trouve maintenant au niveau de l’individu. L’humanisme a d’abord pensé la place de l’homme par rapport à Dieu, puis la place de l’homme dans sa société. Mais le post-humanisme pense l’homme par rapport à lui-même. L’assassin de Dieu veut devenir Dieu lui-même. C’est l’avènement de sa toute-puissance.

Après avoir exploré le spectre de la pensée humaniste à travers les temps, que nous dit la franc-maçonnerie? Que retient la FM de la notion d’humanisme dont elle se veut porteuse.

Tout d’abord, j’ai consulté les Constitutions d’Anderson. Rien. Bon. J’ai regardé les rituels du GODH, de la Grande Loge, rite français, REAA: rien. Aucune référence à humanisme, humaniste, humain.

J’ai regardé les mémentos des 3 grades au GODF et là, surprise! Dans le mémento de l’Apprenti j’ai trouvé page 32 un article qui concerne la Fondation du GODH: La Fondation du GODF a plus particulièrement pour but d’apporter une aide matérielle et morale soit directement, soit en soutenant des instances profanes dont les actions sont en adéquation avec nos principes humanistes (respect des droits de l’Homme, défense des Institutions laïques et républicaines). Puis plus loin dans ce même mémento, il y a un bref historique de la FM dont le premier chapitre porte sur les sources philosophiques de la FM et ses origines. Voici ce qui est dit à la page 33: “Tout au long de la période médiévale, certaines tendances du christianisme attestent la permanence de thèmes et de recherches. Parmi ceux-ci, le désir évangélique de justice sociale et d’égalité, l’affirmation de la primauté de l’Amour et le refus de la violence, la perpétuation de certaines règles de groupes et une quête de Connaissance – y compris avec une part de rationalité et des revendications de libre-arbitre – sont des traits fréquents. La franc-maçonnerie va plus ou moins consciemment assumer cet héritage et l’amalgamer à la dynamique humaniste de la Renaissance et aux importantes évolutions philosophiques des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle ajoutera au passage des éléments tirés de l’imaginaire chevaleresque, tel qu’il perdure en France à la fin de  l’Ancien Régime.”

Dès la fin du 18e, la FM a bien installé son cadre, sa genèse et elle commence à faire évoluer ses sujets de réflexion. On observe alors des évolutions philosophiques sous forme de préoccupations humanistes.

A la question, qu’est-ce que la FM?, le GODF précise comme un élément de réponse qu’on doit aussi considérer trois composantes qui, selon des proportions variables, définissent la franc-maçonnerie. A savoir: une société à la fois fraternelle, initiatique et humaniste. Et on nous livre concrètement cette définition de l’humanisme maçonnique: “la franc-maçonnerie est une instance humaniste, un lieu de résonance sociale et de réflexion sur le Monde, un corps historique impliqué. Elle, ou le plus souvent les francs-maçons en tant qu’individus, sont présents et engagés dans la Cité. Cela pousse à améliorer à la fois l’Homme et la Société, à étendre les liens de la fraternité maçonnique sur toute la surface de la terre, à traduire en combats l’exigence humaniste pour la Liberté, la Paix et la Justice.” Difficile de faire plus clair.

Arrivé à cette partie de la planche où je vous ai annoncé que je vous livrerai une synthèse personnelle de ce que représente pour moi l’humanisme, je me retrouve bien gêné. Parce que les sources que j’ai consultées et les nouvelles connaissances que j’ai pu accumuler ont bousculé la représentation que je me faisais de l’humanisme.

A vrai dire, je ne sais même plus si l’humanisme existe. Peut-être n’est-il en effet qu’une illusion, une croyance pour nous aider à donner une contenance, un sens même, sait-on jamais. Mais qu’on en ait conscience ou non, tout n’est qu’illusion et croyance dans notre bas monde. Alors partons du postulat que l’humanisme existe, mais que tout le monde y va de sa propre définition. Voici ce que je mets dans ma conception de l’humanisme:

  • un ensemble de valeurs positives qui favorise les rapports constructifs des humains entre eux et avec leur environnement social et naturel. En d’autres termes, je crois en une éthique humaine dont la loyauté, la bienveillance, la probité, l’équité, la tempérance sont quelques-unes des valeurs fondamentales qui, dans l’idéal, contribuent à un monde où les hommes vivraient mieux les uns avec les autres.
  • un ensemble d’actions à mener et à encourager pour faire rayonner ces valeurs

De mon point de vue, on ne peut pas avoir confiance dans les hautes sphères de décideurs pour initier les changements importants et nécessaires qui rendraient notre monde fondamentalement meilleur. C’est pourquoi je ne crois pas en la politique des partis ou des gouvernements. En revanche, et c’est ce que propose la FM dans une certaine mesure, je crois dans les communautés ou des groupes locaux, soudés et forts pour faire vivre et éprouver leurs valeurs au sein de leur communauté, pour ensuite appliquer ces valeurs et qui sait, peut-être inspirer d’autres personnes pour qu’elles commencent à réadapter certains modes de pensées et certains actions.

Ca peut faire penser au monde des bisounours, mais c’est bien aux individus de devenir responsables et d’assumer leur rôle modeste mais essentiel dans la société. Je suis donc partisan d’un humanisme que je voudrais pragmatique et efficace. C’est-à-dire celui qu’on peut et qu’on veut appliquer pour donner du sens à notre réflexion et à nos actions.

Mais quelle place réserver au post-humanisme, à cet humanisme de l’individu tout-puissant dans sa bulle, isolé de ses congénères? Il serait inconscient de rejeter le post-humanisme, il est le fruit de tout ce qui le précède. C’est un fait, sa pensée se développe, avec ou sans nous. Personnellement, ca soulève chez moi beaucoup d’inquiétude et d’interrogation sur les frontières de plus en plus floues qui existent entre l’humain et la machine. Le danger est grand d’outrepasser des frontières éthiques irréversibles. Un garde-fou est nécessaire pour éviter la fuite en avant. Un système de contrepoids est nécessaire pour envisager les évolutions à venir. Alors est-ce qu’un système de valeurs et d’actions qui vise à des relations humaines équilibrées et consensuelles, qui limitent les effets néfastes de la société de consommation moderne sur l’aliénation de l’esprit critique pourraient être un idéal intéressant. En même temps, c’est un bel idéal qui peut prêter à sourire tellement on en devine l’inaccessibilité. Cécile Coulon dit ceci : l’humanité, c’est la grandeur de l’homme, c’est vouloir faire même si on sait qu’on va perdre à la fin. Alors même si la route est longue et sinueuse, n’est-ce pas le rôle de l’idéal, de nous montrer le chemin?

Humanisme, humanismes

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Rédigé par FR2

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Publié le 17 Novembre 2018

Aujourd'hui, je vais vous parler d’un sujet qui est devenu une préoccupation quasi quotidienne pour moi depuis le soir de l’élection de Macron. J’ai écouté à la télé son discours de victoire, j’ai bien écouté et j’ai eu la vague impression que ce monsieur souriant, un peu exalté, cherchait à nous enfumer. En fait, j’avais choisi avec lui la solution de continuité. Mais pouvons-nous réussir à long terme avec des recettes libérales qui ont montré leurs limites et qui surtout sont incompatibles avec la crise écologique dans laquelle nous sommes ? Je me suis posé des questions et j’ai mené l’enquête. L’économie capitaliste, la finance basée sur l’idée d’un enrichissement perpétuel, sur la croissance peuvent-ils être la solution ? Et puis, à la rentrée, j’ai entendu à la radio une réaction de Zémour à la démission de Nicolas Hulot. Lui et sa bande d’écologistes, ils les a traités de « millénaristes ». En gros, vous savez, les millénaristes, ce sont des religieux, des chrétiens par exemple, des illuminés qui annoncent la fin du monde. Les avertissements apocalyptiques s'inscrivent dans une tradition ancienne sur laquelle je ne veux pas m’étendre. Ce n’est pas mon sujet. En résumé, quand un millénariste vous annonce la fin du monde, c’est un peu pour vous mettre la pression, pour vous pousser à vous convertir à sa foi. Seule cette croyance vous garantit la survie dans les cieux à cet anéantissement inévitable de l’espèce humaine. Bon, moi, ce qui me gène dans la déclaration de Zémour, c’est sa façon de traiter les écologistes de dangereux utopistes. Je me suis dit là : il faut que j’écrive une planche. Dans mon entourage et même parmi mes Frères, je constate que peu sont informés ou ne prennent pas très au sérieux le problème. Donc, l'originalité des théories actuelles est qu'elles s'appuient sur des faits scientifiques dont la réalité est reconnue par des rapports et expertises scientifiques et institutionnels. Ces experts peuvent être présentés comme des millénaristes scientifiques. Je m’arrêterai seulement sur deux groupes : le club de Rome (un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés), le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, créé en 1988). Mon sujet, c’est de vous montrer que l’effondrement est en cours et de vous proposer des pistes de réflexion sur le sujet.

Commençons par le début de l’histoire : le rapport Meados commandé par le club de Rome en 1972. Selon le rapport, le monde peut être perçu comme un ensemble global dont les parties sont interdépendantes. Le développement économique est induit par la croissance. Celle-ci est stimulée par la croissance démographique et une exploitation croissante des ressources naturelles. Cette croissance économique provoque de la pollution, qui elle-même sera cause de recul économique et/ou démographique. Par le jeu de ces interactions, une consommation excessive des ressources naturelles peut entraîner une crise économique durable. Ainsi la croissance économique s’arrêtera faute de matières premières (énergie, ressources minières, appauvrissement des sols, épuisement des ressources halieutiques, etc.), la population diminuera faute de nourriture et/ou, comme par le passé, au moyen de conflits armés.

Le rapport Meadows souligne la nécessité de mettre fin à la croissance afin de préserver le système mondial d’un effondrement envisageable selon eux et de stabiliser à la fois l’activité économique et la croissance démographique. Selon les auteurs, plus la prise de décision sera tardive, plus elle deviendra difficile à mettre en place. Donc, vous l’avez compris, c’est en 1972 qu’est mis sur la table la possibilité d’un effondrement dû à la pénurie des matières premières, des énergies fossiles ou à une hausse insupportable de la croissance. Le rapport est aussi très clair sur ce point : le progrès technique ne fera que différer l’effondrement inéluctable de l’écosystème mondial, incapable de supporter une croissance exponentielle.

Alors, vous vous dites ? Mince, la croissance n’a pas du tout été stoppé depuis 1972, au contraire. Eh oui, comme prévu, le problème est devenu plus aigu. Le GIEC a été créé en 1988. La menace du réchauffement climatique est devenue l’urgence absolue.

Les conclusions principales du rapport d’experts internationaux de 2014 sont :

  1. Il est encore possible de limiter l'élévation de température à 2 °C en moyenne planétaire de plus qu’avant la Révolution industrielle si les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont « réduites de 40 à 70 % entre 2010 et 2050 » ;
  2. Le CO2 issu des combustibles fossiles joue le rôle majeur parmi les émissions de gaz à effet de serre ;
  3. Si les réserves de combustibles fossiles disponibles sont entièrement utilisées, des réchauffements de l'ordre de 4 à 5 °C seraient atteints en 2100, ce qui entraînerait une poursuite de ce réchauffement au siècle suivant jusqu'à 7 ou 8 °C.

Alors, concrètement, les émissions de CO2 ont continué à augmenter depuis 2014. Les scénarios actuels de 2018 nous prédisent un réchauffement à 4 degrés au cours du siècle. L’expert Stern brosse l’effrayant tableau d’un monde plus chaud de quatre degrés: le sud de l’Europe ressemblerait au Sahara et le désert africain s’étendrait vers le sud, avec des effets dévastateurs dans des pays comme le Nigeria.

La neige disparaîtrait de la chaîne de l’Himalaya, un paramètre qui modifierait aussi bien le lit que le débit des cours d’eau dont dépendent plus de deux milliards de personnes.

Le continent américain ne serait pas épargné, en particulier dans les Andes et les montagnes Rocheuses. Cette fonte des neiges provoquerait, entre autres, des pénuries chroniques d’eau dont souffriraient de nombreuses populations. De plus, la mousson du nord de l’Inde, qui conditionne l’activité agricole de centaines de millions de personnes, changerait radicalement, entraînant des migrations massives et des modifications fondamentales au niveau des modèles de production et de consommation des céréales, grains et légumes.

Des forêts comme celle du bassin amazonien seront frappées par la désertification et par la disparition de milliers d’espèces qui ne résisteront pas au nouveau climat. Les phénomènes climatiques extrêmes caractérisés par des vents très violents –ouragans, tempêtes et cyclones– deviendront plus fréquents.

La mer montera: une augmentation de deux mètres par rapport à son niveau actuel déplacerait 200 millions de personnes.

Alors là, vous allez me dire : mais il faut faire quelque chose!! Eh bien, non, Trump et Zémour se moquent du climat et des experts. La croissance est toujours l’alpha et l’oméga de nos politiques économiques et Macron croit dur comme fer que la finance, celle-là même qui accentue les risques d’effondrement, saura apporter des solutions. Le souci, c’est que les économistes libéraux contestent les expertises scientifiques. Vous voyez, ce sont des économistes mais ils en savent plus que les scientifiques. Le principal adversaire des conclusions du rapport Meadows a été le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek « représentant de l'école autrichienne d'économie à tendance libérale » qui a contesté les calculs de Meados et qui a eu une influence considérable sur les politiques économiques de Thatcher et de Reagan. En gros, c’est à lui que l’on doit la grande vague ultra-libérale des 30 dernières années. Le président Ronald Reagan résume bien cette philosophie lors d'un discours à l'université de Caroline du Sud en 1983 : « Il n'y a pas de limite à la croissance, car il n'y a pas de limite à l'intelligence humaine, à son imagination et à ses prodiges ». Quel foi en l’homme !!! Vous me direz quel humanisme !! Aujourd’hui encore, nous sommes tellement émerveillés par nos bijoux technologiques, c’est devenu presque un réflexe. Il y a un problème !!! Eh bien, s’il y a un problème, il y a forcément une solution technologique.

Franchement, l’optimisme béat des libéraux fait chaud au coeur mais on peut se demander à présent si ce ne sont pas eux les grands utopistes de notre siècle. Ils ont quand même contre eux toute la communauté scientifique mondial. Le 13 novembre 2017, la revue BioScience et le journal Le Monde publient un manifeste signé par 15 364 scientifiques de 184 pays : constatant que depuis l'appel « World Scientists' Warning to Humanity » lancé en 1992 par l'Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, « non seulement l'humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais il est très inquiétant de constater que la plupart d'entre eux se sont considérablement aggravés ». Ils concluent : « Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l'humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n'avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde. Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l'échec, car le temps presse ».

Eh oui, je sais, ce n’est pas très agréable à entendre mais le scénario de l’effondrement l’a déjà emporté. Les conférences de Rio, de Copenhague, la COP 21 à Paris n’ont produit aucun changement significatif dans les politiques gouvernementales, c’est même l’inverse. Nous savons déjà que l’acidification des océans aura des conséquences terribles. Nous savons que le réchauffement climatique entraîne le dégel du permafrost dans les terres du nord de la Russie, libérant des gaz à effet de serre qui accélèrent le phénomène. Le permafrost, ce sont comme de grandes tourbières remplies de méthane. Certaines poches en Sibérie remontent à 2,6 millions d’années et s’étendent à 1500 mètres de profondeur. Laisser le climat se réchauffer, c’est à coup sûr libérer des tonnes de CO2 issues de ce permafrost dans l’athmosphère. Mais qui empêchera la Russie d’exploiter ces immenses terres qui se dégèlent et qui regorgent de minerais ? Qui empêche la Chine de relancer son programme de production de charbon ? Qui empêche Trump de relancer l’exploitation des hydrocarbures, du gaz de schiste aux USA et dans le monde ? Nombreux sont ceux, et Trump n’est pas le seul, qui discrédite l’idée même qu’il y a un changement climatique. Meados nous dirait que cet aveuglement est criminel.  Son diagnostic à lui est plus précis : pour lui, nous n’avons plus les moyens de maintenir le mode de vie des pays riches. Il déclare en 2012 : „Dans à peine trente ans, la plupart de nos actes quotidiens feront partie de la mémoire collective, on se dira : «Je me souviens, avant, il suffisait de sauter dans une voiture pour se rendre où on voulait», ou «je me souviens, avant, on prenait l’avion comme ça». Pour les plus riches, cela durera un peu plus longtemps, mais pour l’ensemble des populations, c’est terminé. On me parle souvent de l’image d’une voiture folle qui foncerait dans un mur. Du coup, les gens se demandent si nous allons appuyer sur la pédale de frein à temps. Pour moi, nous sommes à bord d’une voiture qui s’est déjà jetée de la falaise et je pense que, dans une telle situation, les freins sont inutiles. Le déclin est inévitable.”

En fait, l’évolution de l’épuisement de nos ressources parlent d’elle-même. En 1972, nous utilisions 85% des capacités de la biosphère. Aujourd’hui, nous en utilisons plus de 150% et ce rythme s’accélère chaque année. Eh oui, que signifie le développement durable quand on en est là ? Pas d’autre solution : il faut ralentir. C’est la loi fondamentale de la physique qui l’exige : plus on utilise de ressources, moins il y en a. Donc, il faut en vouloir moins.

Et c’est sûr, sans planification, on ne pourra absolument rien faire. Au Japon, après Fukushima, ils ont fermé toutes les centrales nucléaires. Ils ne l’avaient pas planifié, cela a donc causé toutes sortes de problèmes. Ils ont eu les plus grandes difficultés à payer leurs importations de pétrole et de gaz. C’est possible de se passer de nucléaire, mais il faut le planifier sur vingt ans. C’est tout simple, nous avons besoin de politiques qui coûteraient sur des décennies mais qui rapporteraient sur des siècles. Le problème de la crise actuelle, qui touche tous les domaines, c’est que les gouvernements changent les choses petit bout par petit bout. Chaque fois, on ne résout pas le problème, on fait redescendre la pression, momentanément, on retarde seulement l’effondrement. Nos réponses sont inappropriées car le cerveau humain n’est pas programmé pour appréhender les problèmes de long terme et puis le temps politique n’aide pas aussi. C’est normal : Homo Sapiens a appris à fuir devant le danger, pas à imaginer les dangers à venir. Notre vision à court terme est en train de se fracasser contre la réalité physique des limites de la planète.

Donc pas de doute :  le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle. Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête. Nous sommes dans une période de stagnation et nous ne reviendrons jamais aux heures de gloire de la croissance.

Alors, comment atténuer les conséquences dramatiques d’une catastrophe annoncée ? Vous le savez bien : nos sociétés ne peuvent pas encaisser des changements trop brusques et trop radicaux. Il faut du temps pour mettre en place des politiques mais il faut bien commencer un jour. Je ne prétends pas avoir toutes les solutions, je souhaite seulement ouvrir le débat et vous entendre sur ce sujet qui me semble absolument capital. Revenons à la source : le rapport Meados souligne la nécessité de mettre fin à la croissance afin de stabiliser à la fois l’activité économique et la croissance démographique. Sur le plan démographique, les auteurs prônaient des mesures telles que la limitation de deux enfants par couple. Sur le plan économique, ils évoquaient des taxes de l’industrie, afin d’en stopper la croissance et de réorienter les ressources ainsi prélevées vers l’agriculture, les services et surtout la lutte contre la pollution. A quand une taxe sérieuse sur le carbone ?  Pour que cette économie sans croissance puisse être acceptée, les auteurs proposaient de répartir les richesses afin de garantir la satisfaction des besoins humains principaux. Vous l’avez compris : le retour du politique est une urgence absolue ! Les Etats doivent reprendre la main. L’Europe soit s’engager résolument dans une planification résolue de sortie des énergies fossiles. Il faudra prendre de grandes décisions comme Rooselvelt les a prises en 1932 en imposant un contrôle beaucoup plus drastique de la finance. Tous individuellement, nous devons nous préparer à une révolution de nos comportements et de nos modes de vies. Nos valeurs doivent aussi changer. La richesse, la consommation de biens matériels ne seront plus les critères de réussite. Cultiver son jardin comme le fait notre F Jean-Pierre, voilà l’avenir : des petits bonheurs simples, une bonne petite piquette au coin du feu en compagnie de ses amis, la beauté d’un paysage, le plaisir d’une promenade... Revenons sur terre et apprenons à partager.

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Publié le 17 Octobre 2018

Aujourd'hui, je vais vous parler d’un sujet qui est devenu une préoccupation quasi quotidienne pour moi depuis le soir de l’élection de Macron. J’ai écouté à la télé son discours de victoire, j’ai bien écouté et j’ai eu la vague impression que ce monsieur souriant, un peu exalté, cherchait à nous enfumer. En fait, j’avais choisi avec lui la solution de continuité. Mais pouvons-nous réussir à long terme avec des recettes libérales qui ont montré leurs limites et qui surtout sont incompatibles avec la crise écologique dans laquelle nous sommes ? Je me suis posé des questions et j’ai mené l’enquête. L’économie capitaliste, la finance basée sur l’idée d’un enrichissement perpétuel, sur la croissance peuvent-ils être la solution ? Et puis, à la rentrée, j’ai entendu à la radio une réaction de Zémour à la démission de Nicolas Hulot. Lui et sa bande d’écologistes, ils les a traités de « millénaristes ». En gros, vous savez, les millénaristes, ce sont des religieux, des chrétiens par exemple, des illuminés qui annoncent la fin du monde. Les avertissements apocalyptiques s'inscrivent dans une tradition ancienne sur laquelle je ne veux pas m’étendre. Ce n’est pas mon sujet. En résumé, quand un millénariste vous annonce la fin du monde, c’est un peu pour vous mettre la pression, pour vous pousser à vous convertir à sa foi. Seule cette croyance vous garantit la survie dans les cieux à cet anéantissement inévitable de l’espèce humaine. Bon, moi, ce qui me gène dans la déclaration de Zémour, c’est sa façon de traiter les écologistes de dangereux utopistes. Je me suis dit là : il faut que j’écrive une planche. Dans mon entourage et même parmi mes Frères, je constate que peu sont informés ou ne prennent pas très au sérieux le problème. Donc, l'originalité des théories actuelles est qu'elles s'appuient sur des faits scientifiques dont la réalité est reconnue par des rapports et expertises scientifiques et institutionnels. Ces experts peuvent être présentés comme des millénaristes scientifiques. Je m’arrêterai seulement sur deux groupes : le club de Rome (un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés), le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, créé en 1988). Mon sujet, c’est de vous montrer que l’effondrement est en cours et de vous proposer des pistes de réflexion sur le sujet.

Commençons par le début de l’histoire : le rapport Meados commandé par le club de Rome en 1972. Selon le rapport, le monde peut être perçu comme un ensemble global dont les parties sont interdépendantes. Le développement économique est induit par la croissance. Celle-ci est stimulée par la croissance démographique et une exploitation croissante des ressources naturelles. Cette croissance économique provoque de la pollution, qui elle-même sera cause de recul économique et/ou démographique. Par le jeu de ces interactions, une consommation excessive des ressources naturelles peut entraîner une crise économique durable. Ainsi la croissance économique s’arrêtera faute de matières premières (énergie, ressources minières, appauvrissement des sols, épuisement des ressources halieutiques, etc.), la population diminuera faute de nourriture et/ou, comme par le passé, au moyen de conflits armés.

Le rapport Meadows souligne la nécessité de mettre fin à la croissance afin de préserver le système mondial d’un effondrement envisageable selon eux et de stabiliser à la fois l’activité économique et la croissance démographique. Selon les auteurs, plus la prise de décision sera tardive, plus elle deviendra difficile à mettre en place. Donc, vous l’avez compris, c’est en 1972 qu’est mis sur la table la possiblilité d’un effondrement dû à la pénurie des matières premières, des énergies fossiles ou à une hausse insupportable de la croissance. Le rapport est aussi très clair sur ce point : le progrès technique ne fera que différer l’effondrement inéluctable de l’écosystème mondial, incapable de supporter une croissance exponentielle.

Alors, vous vous dites ? Mince, la croissance n’a pas du tout été stoppé depuis 1972, au contraire. Eh oui, comme prévu, le problème est devenu plus aigu. Le GIEC a été créé en 1988. La menace du réchauffement climatique est devenue l’urgence absolue.

Les conclusions principales du rapport d’experts internationaux de 2014 sont :

  1. Il est encore possible de limiter l'élévation de température à 2 °C en moyenne planétaire de plus qu’avant la Révolution industrielle si les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont « réduites de 40 à 70 % entre 2010 et 2050 » ;
  2. Le CO2 issu des combustibles fossiles joue le rôle majeur parmi les émissions de gaz à effet de serre ;
  3. Si les réserves de combustibles fossiles disponibles sont entièrement utilisées, des réchauffements de l'ordre de 4 à 5 °C seraient atteints en 2100, ce qui entraînerait une poursuite de ce réchauffement au siècle suivant jusqu'à 7 ou 8 °C.

Alors, concrètement, les émissions de CO2 ont continué à augmenter depuis 2014. Les scénarios actuels de 2018 nous prédisent un réchauffement à 4 degrés au cours du siècle. L’expert Stern brosse l’effrayant tableau d’un monde plus chaud de quatre degrés: le sud de l’Europe ressemblerait au Sahara et le désert africain s’étendrait vers le sud, avec des effets dévastateurs dans des pays comme le Nigeria.

La neige disparaîtrait de la chaîne de l’Himalaya, un paramètre qui modifierait aussi bien le lit que le débit des cours d’eau dont dépendent plus de deux milliards de personnes.

Le continent américain ne serait pas épargné, en particulier dans les Andes et les montagnes Rocheuses. Cette fonte des neiges provoquerait, entre autres, des pénuries chroniques d’eau dont souffriraient de nombreuses populations. De plus, la mousson du nord de l’Inde, qui conditionne l’activité agricole de centaines de millions de personnes, changerait radicalement, entraînant des migrations massives et des modifications fondamentales au niveau des modèles de production et de consommation des céréales, grains et légumes.

Des forêts comme celle du bassin amazonien seront frappées par la désertification et par la disparition de milliers d’espèces qui ne résisteront pas au nouveau climat. Les phénomènes climatiques extrêmes caractérisés par des vents très violents –ouragans, tempêtes et cyclones– deviendront plus fréquents.

La mer montera: une augmentation de deux mètres par rapport à son niveau actuel déplacerait 200 millions de personnes.

Alors là, vous allez me dire : mais il faut faire quelque chose!! Eh bien, non, Trump et Zémour se moquent du climat et des experts. La croissance est toujours l’alpha et l’oméga de nos politiques économiques et Macron croit dur comme fer que la finance, celle-là même qui accentue les risques d’effondrement, saura apporter des solutions. Le souci, c’est que les économistes libéraux contestent les expertises scientifiques. Vous voyez, ce sont des économistes mais ils en savent plus que les scientifiques. Le principal adversaire des conclusions du rapport Meadows a été le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek « représentant de l'école autrichienne d'économie à tendance libérale » qui a contesté les calculs de Meados et qui a eu une influence considérable sur les politiques économiques de Tatcher et de Reagan. En gros, c’est à lui que l’on doit la grande vague ultra-libérale des 30 dernières années. Le président Ronald Reagan résume bien cette philosophie lors d'un discours à l'université de Caroline du Sud en 1983 : « Il n'y a pas de limite à la croissance, car il n'y a pas de limite à l'intelligence humaine, à son imagination et à ses prodiges ». Quel foi en l’homme !!! Vous me direz quel humanisme !! Aujourd’hui encore, nous sommes tellement émerveillés par nos bijoux technologiques, c’est devenu presque un réflexe. Il y a un problème !!! Eh bien, s’il y a un problème, il y a forcément une solution technologique.

Franchement, l’optimisme béat des libéraux fait chaud au coeur mais on peut se demander à présent si ce ne sont pas eux les grands utopistes de notre siècle. Ils ont quand même contre eux toute la communauté scientifique mondial. Le 13 novembre 2017, la revue BioScience et le journal Le Monde publient un manifeste signé par 15 364 scientifiques de 184 pays : constatant que depuis l'appel « World Scientists' Warning to Humanity » lancé en 1992 par l'Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, « non seulement l'humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais il est très inquiétant de constater que la plupart d'entre eux se sont considérablement aggravés ». Ils concluent : « Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l'humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n'avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde. Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l'échec, car le temps presse ».

Eh oui, je sais, ce n’est pas très agréable à entendre mais le scénario de l’effondrement l’a déjà emporté. Les conférences de Rio, de Copenhague, la COP 21 à Paris n’ont produit aucun changement significatif dans les politiques gouvernementales, c’est même l’inverse. Nous savons déjà que l’acidification des océans aura des conséquences terribles. Nous savons que le réchauffement climatique entraîne le dégel du permafrost dans les terres du nord de la Russie, libérant des gaz à effet de serre qui accélèrent le phénomène. Le permafrost, ce sont comme de grandes tourbières remplies de méthane. Certaines poches en Sibérie remontent à 2,6 millions d’années et s’étendent à 1500 mètres de profondeur. Laisser le climat se réchauffer, c’est à coup sûr liberer des tonnes de CO2 issues de ce permafrost dans l’athmosphère. Mais qui empêchera la Russie d’exploiter ces immenses terres qui se dégèlent et qui regorgent de minerais ? Qui empêche la Chine de relancer son programme de production de charbon ? Qui empêche Trump de relancer l’exploitation des hydrocarbures, du gaz de schiste aux USA et dans le monde ? Nombreux sont ceux, et Trump n’est pas le seul, qui discrédite l’idée même qu’il y a un changement climatique. Meados nous dirait que cet aveuglement est criminel.  Son diagnostic à lui est plus précis : pour lui, nous n’avons plus les moyens de maintenir le mode de vie des pays riches. Il déclare en 2012 : „Dans à peine trente ans, la plupart de nos actes quotidiens feront partie de la mémoire collective, on se dira : «Je me souviens, avant, il suffisait de sauter dans une voiture pour se rendre où on voulait», ou «je me souviens, avant, on prenait l’avion comme ça». Pour les plus riches, cela durera un peu plus longtemps, mais pour l’ensemble des populations, c’est terminé. On me parle souvent de l’image d’une voiture folle qui foncerait dans un mur. Du coup, les gens se demandent si nous allons appuyer sur la pédale de frein à temps. Pour moi, nous sommes à bord d’une voiture qui s’est déjà jetée de la falaise et je pense que, dans une telle situation, les freins sont inutiles. Le déclin est inévitable.”

En fait, l’évolution de l’épuisement de nos resources parlent d’elle-même. En 1972, nous utilisions 85% des capacités de la biosphère. Aujourd’hui, nous en utilisons plus de 150% et ce rythme s’accélère chaque année. Eh oui, que signifie le développement durable quand on en est là ? Pas d’autre solution : il faut ralentir. C’est la loi fondamentale de la physique qui l’exige : plus on utilise de ressources, moins il y en a. Donc, il faut en vouloir moins.

Et c’est sûr, sans planification, on ne pourra absolument rien faire. Au Japon, après Fukushima, ils ont fermé toutes les centrales nucléaires. Ils ne l’avaient pas planifié, cela a donc causé toutes sortes de problèmes. Ils ont eu les plus grandes difficultés à payer leurs importations de pétrole et de gaz. C’est possible de se passer de nucléaire, mais il faut le planifier sur vingt ans. C’est tout simple, nous avons besoin de politiques qui coûteraient sur des décennies mais qui rapporteraient sur des siècles. Le problème de la crise actuelle, qui touche tous les domaines, c’est que les gouvernements changent les choses petit bout par petit bout. Chaque fois, on ne résout pas le problème, on fait redescendre la pression, momentanément, on retarde seulement l’effondrement. Nos réponses sont inappropriées car le cerveau humain n’est pas programmé pour appréhender les problèmes de long terme et puis le temps politique n’aide pas aussi. C’est normal : Homo Sapiens a appris à fuir devant le danger, pas à imaginer les dangers à venir. Notre vision à court terme est en train de se fracasser contre la réalité physique des limites de la planète.

Donc pas de doute :  le système finira par s’effondrer sur lui-même au cours du XXIe siècle. Par effondrement, il faut entendre une chute combinée et rapide de la population, des ressources, et de la production alimentaire et industrielle par tête. Nous sommes dans une période de stagnation et nous ne reviendrons jamais aux heures de gloire de la croissance.

Alors, comment atténuer les conséquences dramatiques d’une catastrophe annoncée ? Vous le savez bien : nos sociétés ne peuvent pas encaisser des changements trop brusques et trop radicaux. Il faut du temps pour mettre en place des politiques mais il faut bien commencer un jour. Je ne prétends pas avoir toutes les solutions, je souhaite seulement ouvrir le débat et vous entendre sur ce sujet qui me semble absolument capital. Revenons à la source : le rapport Meados souligne la nécessité de mettre fin à la croissance afin de stabiliser à la fois l’activité économique et la croissance démographique. Sur le plan démographique, les auteurs prônaient des mesures telles que la limitation de deux enfants par couple. Sur le plan économique, ils évoquaient des taxes de l’industrie, afin d’en stopper la croissance et de réorienter les ressources ainsi prélevées vers l’agriculture, les services et surtout la lutte contre la pollution. A quand une taxe sérieuse sur le carbone ?  Pour que cette économie sans croissance puisse être acceptée, les auteurs proposaient de répartir les richesses afin de garantir la satisfaction des besoins humains principaux. Vous l’avez compris : le retour du politique est une urgence absolue ! Les Etats doivent reprendre la main. L’Europe soit s’engager résolument dans une planification résolue de sortie des énergies fossiles. Il faudra prendre de grandes décisions comme Rooselvelt les a prises en 1932 en imposant un contrôle beaucoup plus drastique de la finance. Tous individuellement, nous devons nous préparer à une révolution de nos comportements et de nos modes de vies. Nos valeurs doivent aussi changer. La richesse, la consommation de biens matériels ne seront plus les critères de réussite. Cultiver son jardin comme le fait notre F Jean-Pierre, voilà l’avenir : des petits bonheurs simples, une bonne petite piquette au coin du feu en compagnie de ses amis, la beauté d’un paysage, le plaisir d’une promenade... Revenons sur terre et apprenons à partager. J’ai dit.

Effondrement
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Publié le 1 Avril 2018

 

Je me sens ce Midi une lourde responsabilité, du moins je me la mets tout seul. C'est celle de ne pas dire sur trop de bêtises sur un thème qui me semble aussi fondamental pour le développement des personnes et des sociétés.

 

Oui, oui, je reconnais que cela fait très grandiloquent mais je le pense sérieusement. La relation dialectique entre la mémoire (ou les mémoires) et l’Histoire (vous ne voyez pas le grand H sur ma feuille mais il est présent) est centrale par exemple dans la construction de l’identité ou/donc dans la foi en l’avenir, deux éléments qui participent par exemple à la montée en force des mouvements se réclamant d'un passé fantasmé et réécrit (salafisme, nationalisme, sectes protestantes, etc.)

Je souhaite éviter l’écueil de partager avec vous mes réflexions sur le sujet de manière trop austère…espérons que j’arrive à aller contre ma nature.

 

Mais pourquoi avoir choisi de plancher ce midi sur le thème de l’Histoire et de la Mémoire ?

Parce que j’ai une mémoire du vécu déplorable et que par glissement je n’ai pas trop confiance dans le processus de construction de la mémoire mais on y reviendra. Puis la mémoire est tellement évolutive, traitresse et personnelle. Prenons un exemple simple. La double initiation vécue et partagée a donné lieu à 2 impressions d’initiations très différentes et si nous devions refaire cet exercice maintenant cela donnerait d’autres résultats.

Parce que je suis sensible à l’Histoire qui est une des clefs pour comprendre beaucoup de choses (la finalité inexorable de la vie, l’altérité, les forces et les faiblesses de l’humanité etc.)

Parce que j’entends trop souvent chez des gens que j’aime ou chez des étrangers des aberrations ou des erreurs historiques et que cela me chagrine pour eux et pour la société.

 

Messieurs, je suis dans l'obligation d'essayer de définir les termes (sans h) d'histoire et de Mémoire.

Commençons par l’Histoire. Hérodote, celui qui est considéré comme le père de cette science, parle d'une « une procédure de vérité » et d'un discours critique pour parler du travail de construction de l'histoire. Plus près de nous, le grand historien Pierre Nora décrit l'histoire comme « une reconstruction problématique et incomplète de ce qui n’est plus ; elle n’est pas vérité absolue, mais une démarche ». Par problématique il entend évidemment problématisée et pas qui pose problème.

Pour le dictionnaire (honte à moi je ne me souviens plus si c'est le Larousse ou le Robert que j'ai utilisé) l'histoire est une reconstruction scientifiques et rationnelle des événements du passé par les historiens, qui vise à être objective et à faire comprendre le passé avec un recul critique. Un travail sur les témoignages, les archives, des sources variées.

Avoir besoin de 3 définitions pour essayer de cerner une discipline, un concept est signe, s’il en est besoin de sa complexité…Mais continuons à essayer d’affiner notre compréhension de ce qu’est l’Histoire. Évidemment je vais parler de situation idéale…

L'Histoire n'est pas une religion parce qu'elle est critique et laïque.

L'Histoire n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît aucun tabou.

L’Histoire n'a pas pour rôle d'exalter ou de de condamner, il explique.

L’Histoire n'est pas esclave de l'actualité.

L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui. Et oui l'historien ne condamne pas la traite négrière, ou la Shoah, du moins pas en tant qu'historien ce qui n’empêche pas l’historien, homme ou femme, de le faire. Il étudie de manière aussi rationnelle que possible le sujet.

Les films Amistad ou le fils de Saül ne sont pas œuvres d’historiens ce qui n'enlève rien à leurs qualités artistiques, émotionnelles et de prises de conscience.

 

Pour résumer et en forçant un peu le trait : l’Histoire est donc dans une logique rationnelle portant sur des enjeux scientifiques alors que la mémoire est dans une logique émotionnelle sélective portant sur des enjeux idéologiques.

Alors c’est quoi la mémoire ? C’est un vécu d'événements par des individus ou des groupes, et sa transmission via des souvenirs et des représentations du passé. Chacun possède une mémoire mais la mémoire peut également être collective.

Elle est également plurielle parce qu'elle émane de différents groupes sociaux (la bataille du rail), partis (le parti des 100 000 fusillés), Églises (souvenirs des croisades), communautés linguistiques (Louvain), régionales (guerre de Vendée) et de différents individus (mariage pour tous). La mémoire est du registre du sacré, de la foi. La mémoire est sujette au refoulement.

 Mais comme le rappelle Maurice Halbwachs, disciple de Bergson, « la mémoire collective se construit toujours en fonction des enjeux du présent ».

 

Un exemple. Quel événement est le plus important dans le monde pour vous depuis disons 1980 ? Nous sommes 15 entre les Colonnes et nous aurons sans doute autant de réponse. Certes parce que nous sommes d’opinions politiques et religieuses ou d’âges différentes, certes parce nos centres d’intérêts sont différents mais parce que nos mémoires sont différentes.

Ce qui fait qu’on se souvient au niveau émotionnel ce sont les pratiques commémoratives qui vont de la volonté de ne pas oublier les faits du passé à la recherche de compensations morales, symboliques ou financières et entrainent une véritable concurrence mémorielle.

 

Et cette concurrence émane du grand public et surtout des victimes et de leurs descendants  une « demande sociale d'histoire ». Demande à laquelle les politiciens répondent par des lois dites mémorielles

Mais une grande partie de la communauté historienne est aujourd'hui hostile à ces lois mémorielles (comme la loi Gaysot de 1990 sur le négationnisme, puis les lois du 29 janvier 2001 sur le génocide arménien, celle du 21 mai 2001sur l'esclavage, celle du 23 février 2005 sur le colonialisme). Elle juge qu'il est anormal dans un État démocratique d'imposer aux historiens et par voie de conséquence aux jeunes générations, via l'école, une vision et une écriture officielles de l'histoire. La mission de l’école est de faire droit au travail de la raison, non d’être la caisse de résonance des passions collectives. Mais l’école est devenue trop poreuse aux luttes sociales.

 

Le – tristement - fameux  devoir de mémoire pousse à 3 postures :

  • Le repentir et le remords (détestable pour l’historien)
  • Le dolorisme et la victimisation (pour soutenir des revendications)
  • La tentation de l’histoire officielle sans droit d’inventaire et de contextualisation (ex : la récupération de la figure de Guy Moquet)

Voilà pourquoi que je préfère un droit de mémoire à un devoir de mémoire.

 

Et ce devoir peut être accompagné par une branche de l'Histoire qui s'intitule « l'histoire de la mémoire », c'est-à-dire l'évolution des différentes pratiques sociales, de leur forme et de leur contenu ayant pour objet ou pour effet, explicitement ou non, la représentation d'un passé et l'entretien de son souvenir, soit au sein d'un groupe donné, soit au sein de la société toute entière. En Hongrie, Ablonczy Balazs fait un gros travail sur le Trianon. Pour les magyarophones, son livre sorti en 2010 « Trianon legendàk » semble très intéressant (j'ai vu une conférence de Ablonczy en français sur ce sujet).

 

Qu’il semble difficile de passer du temps des mémoires toujours blessées et revendicatives au temps de la fabrication d'une Histoire, distanciée et apaisée.

 

La mémoire communie avec le passé alors que l’Histoire tente de sortir du passé. La mémoire se veut comme un absolu, l’Histoire est dans le relatif ; la mémoire est démultipliée et déchirée, l’Histoire appartient à tous.

 

Pour conclure les liens sont complexes et multiples entre l’Histoire et la mémoire. Les historiens produisent de la mémoire collective en faisant accéder le citoyen à leur savoir. Leur esprit critique permet de prendre du recul et de favoriser la tolérance. De plus, l’historien a aussi sa propre mémoire individuelle, qui oriente ses projets d’études et influence sa vision du monde malgré ses tentatives de recul critique.

Il y a donc une relation dialectique entre Histoire et mémoire, qui se nourrisse l’une de l’autre.

L’histoire peut s’inspirer de la mémoire, peut l’utiliser comme source ou comme objet d’étude tout comme elle peut refuser de l’aider. La mémoire peut déformer l’histoire et l’instrumentaliser. Rappelons-nous qu’au siècle dernier et encore aujourd'hui dans de nombreux pays, l'Histoire avait pour fonction essentielle de légitimer le groupe ou le système au pouvoir, hier la République française, aujourd'hui en Hongrie le régime national-conservateur post-communiste.

 

 

 

 

Histoire et Mémoires
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Publié le 16 Mars 2018

fleuve Whanganui

fleuve Whanganui

En mars 2017, le gouvernement néozélandais accorde le statut de personne juridique au fleuve Whanganui, un cours d'eau cher aux Maoris. En Inde, le Gange et la Yamuna sont décrétés « entités vivantes ayant le statut de personne morale ». L’Équateur en 2008 inscrit dans sa constitution « la nature ou Pacha Mama – la terre mère – où se produit et se réalise la vie, à droit au respect absolu de son exigence et au maintien de la régénération de ses cycles vitaux, de ses fonctions et processus évolutifs. Toute personne, communauté, peuple ou nation, pourra exiger de l'autorité publique le respect des droits de la nature ».

 

C'est la question de ce soir : les écosystèmes ont-ils des droit et peuvent-ils, comme pour les individus, être représentés en justice ?

 

La réponse se retrouve dans la dimension anthropologique, philosophique et culturelles au cœur d'une telle reconnaissance.

 

La culture occidentale, par essence cartésienne, établit une séparation entre l'humanité et la nature. Plaçant l'homme au dessus de tout, elle rechigne donc à accorder une personnalité juridique à des entités naturelles. Le cœur de l'argumentation juridique prend en considération l'impact sur les droits humains ou les lésions qui en découlent. Non pas la reconnaissance des droits de l'entité naturelle en tant que telle.

 

En donnant un statut – comme c'est déjà le cas pour d'autres entités abstraites, comme une entreprise, une école ou un hôpital, qualifiées de personne morale, – en accordant une personnalité juridique à la nature donc, une plaidoirie directe peut avoir lieu en son nom.

 

Mais pour cela, il faut croire qu'une fleuve, le ciel ou la mer soient des entités vivantes et actives, et qu'elles ne se limitent pas à de la matière inerte et manipulable à loisir, comme c'est souvent le cas dans nos pays occidentaux. Par exemple, les entreprises ont des droits supérieurs à la nature : elles peuvent attaquer un pays en justice si elles se sentent lésées, mais les écosystèmes ou les ressources naturelles peuvent quant à elles être impunément pillées et détruits – l'exploitation et les profits priment donc sur la préservation des ressources qui permettent de les produire.

 

User et abuser

 

Dans le droit civil occidental, la propriété est un droit individualisé d'user et d'abuser : le concept individuel fait place à l'intérêt collectif uniquement lorsque le rapport à l'environnement comporte une dimension collective importante. Parce que les changement de cet environnement peuvent avoir un impact sur les hommes donc. Et uniquement à ce titre. Ce ne sont pas les qualités propres de l'entité naturelle à protéger qui priment, mais les conséquences de leur dégradation sur l'homme. On en viendrait à croire que l'homme n'est plus issu de la nature mais qu'il en est le créateur, car c'est la nature aujourd'hui qui doit s'adapter à l'homme.

 

Biodiversité et diversité culturelle sont liées : la reconnaissance d'une connexion spirituelle ou la légitimité donnée à des entités vivantes ou naturelles dépendent de notre rapport au monde et aux éléments. Dans les sociétés traditionnelles où la communion existe, la question ne se pose pas - la base du chamanisme comme des savoirs ancestraux - est de reconnaître l'homme dans son rapport au monde, comme étant l'un de ses constituants au même titre que les autres. L'homme est soumis à la nature et par le contraire. Mais dans nos sociétés au rationalisme exacerbé et sur-puissant (j'en ai souvent fait les frais - peut être certains d'entre vous mes frères, se reconnaîtront-ils également), dans nos esprits sur-rationnels donc, on regarde les éléments naturels sous l'angle d'objet et d'utilité. Ceci se fait au détriment d'une approche globale et de la reconnaissance des interactions au sein d'un système avec lequel l'individu à pu co-évoluer et qui le constitue.

 

Nous regardons le monde extérieur à travers le contenu de notre propre mentalité. C'est la notion de projection. Nous projetons sur le monde nos propres contenus psychiques. Dès lors, la nature est vue soit comme un bien commun à humanité et exploitable à souhait – soit comme une entité naturelle et vivante, qui dès lors peut acquérir un statut en tant que tel.

 

La défense des droits de la nature comme bien commun à l'humanité est une évidence, mais nous pouvons aller plus loin et leur reconnaître la légitimité à disposer de droits réels. Droits qui s'exercent au premier plan contre l'homme. Attribuer des droits individuels à des entités naturelles suffira t-il à les défendre contre les intérêts économiques ?  Quels gardes fou permettent de préserver la planète et les systèmes qui la composent de l'activité dévastatrice des hommes? La nature ne peut-elle pas disposer de droits, en sa qualité de créateur et d'hébergeur de l'homme et de toutes les autres espèces?

 

Pour rendre le changement de paradigme possible, c'est notre rapport au monde et ce qui le constitue qui doit évoluer via une prise de conscience individuelle et collective.

 

La conscience règne et ne gouverne pas dit Paul Valéry. Alors conscience, nous voilà.

 

Rentrons à présent dans le vif du sujet et voyons notre question sous l'angle de la conscience. Essayons de répondre à l'objection selon laquelle la nature ou ses constituants, contrairement à l'être humain, ne sont pas dotés d'un esprit ou de conscience d'eux même, qu'on ne peut les mettre au même plan que l'homme, qui domine « naturellement » sur toute chose... à quel titre d'ailleurs? Son intelligence ? A moins qu'il s'agisse de son orgueil et de sa vanité...

 

Doit-on considérer les éléments naturels comme de la matière inerte et morte ou peut-on considérer qu'ils ont une légitimité existentielle? Leur accorder un certain niveau de conscience pourrait leur donner un peu de crédit à nos yeux. Nous parlons bien ici des animaux, des végétaux, des minéraux ou de tout ce qui constitue le cosmos et l'univers.

 

La conscience est pour André Comte-Sponville est l’un des mots les plus difficiles à définir. Selon Jung, être conscient, c'est percevoir et reconnaître le monde extérieur ainsi que soi-même dans ses relations avec ce monde extérieur. Cette définition s'applique t-elle aux êtres sensibles, aux animaux ou encore aux végétaux?

 

Prenons comme exemple les abeilles et les plantes. Saviez-vous que les butineuses ont pour habitude de se spécialiser pendant un temps sur les fleurs d'une plante particulière : elles mémorisent un parfum, une forme et une couleur, et elles s'y attachent. Cela s'appelle la constance florale et joue un rôle majeur dans la pollinisation des abeilles et de la vie sur terre. Selon les types de fleurs donc, la production de pollen et de parfum diffèrent au cours de la journée. Nos butineuses gardent en mémoire les heures les plus propices et en conservent le souvenir pendant plusieurs jours. Car comme les fleurs, leur horloge interne leur permet d'associer un événement donné à un moment particulier de la journée. Ainsi les fleurs et les abeilles se rencontrent-elle à un moment très précis. L'un et l'autre s'y préparent comme on irait à un rendez-vous galant : les fleurs s'apprêtent en se parfumant et émettent crescendo une diffusion d'essences subtiles, les abeilles quant à elles partent en avance, afin de rejoindre les fleurs au moment prévu, ce paroxysme de senteurs qui constitue un rendez-vous immanquable.

 

Autre illustration. Le rythme des plantes vient aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. De l'extérieur car la sensitive, mimosa Pudica, se referme aussitôt et s'incline vers le bas si on touche même légèrement l'une de ses feuilles, afin de se protéger des intempéries ou des prédateurs. Cette fleur suit de plus un cycle d'ouverture et de fermeture journalier, qui est issu de son cycle circardien – le rythme circadien est un cycle d'une période de 24h qui est présent dans la plupart des espèces -  c'est cette horloge biologique qui rythme les jours et les nuits des espèces animales et végétales... et de l'homme. Et de l'intérieur car cette plante continue à suivre son cycle d'ouverture et de fermeture même lorsqu'elle est plongée dans l' obscurité. Cela montre que la perception de la plante de l'alternance du jour et de la nuit ne se limite pas à la lumière car elle se poursuit même en son absence. Son activité se base sur son horloge interne circadienne et reste synchronisée même plongée dans le noir. On peut dire que comme l'homme, elle sait anticiper le jour et la nuit.

 

Quid des arbres, dont les récents best-sellers montrent un système de communication développé et ingénieux, que ce soit dans l'air ou dans le sol. Ils s'entraident, se préviennent, évoluent ensemble dans un environnement donnée. Ne méritent-ils pas dès lors un minimum de reconnaissance et des droits – sans oublier qu'ils nous permettent tout simplement de pouvoir respirer.

 

Idrisse Aberkane, dans son ouvrage libérer votre cerveau,va jusqu'à poser la question de la communication et de la cognition des étoiles, répondant que cette cognition nous dépasse et n'est pas observable dans le temps où vit l'humanité, soit autour de 200 000 ans. Il s'appuie sur les caractéristiques autopoïetique (qui désigne tout système qui s'auto-organise dans une limite qu'il créé lui-même) et le mécanisme de reproduction avec enrichissement, qui sont des caractéristiques des cellules vivantes comme des étoiles. In fine, tous les êtres et les choses ont une autre caractéristique commune, qui est la recherche de l'équilibre, appelée homéostasie. Pour cela, ils interagissent avec leur environnement, nouent et dénouent des relations spécifiques qui évoluent avec leurs perceptions qui s'expriment sous différentes formes. En tant que système qui interagit et recherche un degré d'équilibre, la terre, le ciel ou les étoiles peuvent donc être considérées comme des entités vivantes et agissantes.

 

Christophe André, le célèbre psychiatre philosophe ami de Mathieu Ricard le moine et d'Alexandre Jolien né infirme moteur cérébral et devenu philosophe renommé le dit ainsi, je cite : «  La grande majorité des scientifiques contemporains se reconnaît dans le paradigme matérialiste et estime que c'est le cerveau qui produit la conscience. Mais sans récuser ce paradigme, certains se demandent si la conscience ne serait pas un état de la matière universelle, au même titre que l'espace temps, la masse ou l'énergie. Autrement dit, la conscience pourrait exister indépendamment de la condition humaine qui ne ferait qu'y accéder ou s'y connecter. » Le changement de paradigme s'amorce.

 

Ne fait pas à autrui ce que tu m'aimerais pas que l'on te fasse peut on entendre souvent sur  nos colonnes. Mais à qui cel s'applique t-il ? Aux êtres humais seulement ? Aux animaux ? Aux végétaux ? J'irai pour ma part jusqu' à accorder une essence à toute chose naturels et reconnaître la chaîne globale des êtres et de leur manifestation, dont l'homme n'est qu'une infime partie. Nous sommes des poussières d'étoile selon la formule consacrée d'Hubert Reeves. Des enfants du Cosmos, au même titre que chaque élément qui le compose. Les cultures millénaires le savaient, nos sociétés soi-disant modernes et civilisées le découvrent peu à peu, dans le cadre d'une pensée globale, qui comme aime à la rappeler Edgard Morin, permet de voir les choses dans leur ensemble, penser et voir globalement, afin de réunifier notre être et ses composantes visibles ou invisibles au monde qui nous entoure.

 

La pensée occidentale reste inexorablement avide de décortiquer, analyser, isoler et séparer pour comprendre. C'est une pensée réductionniste et notre pensée fonctionne ainsi depuis le siècle des lumières si ce n'est depuis Aristote. Si cela ouvre indéniablement sur certains résultats, nous entretenons l'illusion de croire qu'un esprit analytique peut appréhender des phénomènes qui demandent une approche et un esprit intégratif. L'outil que nous utilisons, le cerveau, est lui-même façonné de telle sorte qu'il empêche l'accès à cette intégration.

 

Peut-être le temps est-il venu de cesser de vouloir faire rentrer la nature dans nos cases étriquées et de lui redonner la juste place qu'elle occupe. Car au lieu de lui obéir, nous voulons la soumettre. Au lieu de s'en inspirer, nous la réduisons à notre entendement. Ou pire, à la satisfaction de nos désirs. Au lieu de la protéger, nous la détruisons. L'homme n'a jamais créé la nature, il ne sait même pas en réalité comment créer une seule cellule vivante. Pourtant, il entend maintenir sa domination sur elle. Nous marchons en vérité sur la tête à la manière d'un Frankenstein qui justifie ses exactions et affirme sa domination sans partage sur ce ou celui qui l'a créé : il se substitue à son créateur et en devient le bourreau.

 

Le mouvement inverse est appelé biomimétisme : il reconnaît le formidable réservoir que constitue la nature et s'inspire de ses formes, matières, propriétés, processus et de toutes fonctions du vivant. Léonard de Vinci, entres autres grands hommes, en fut un adepte.

 

Conclusion

 

Les actes cruels contre les animaux sont prohibés par la loi depuis 1963. En 2015, les animaux font leur apparition dans le droit civil comme êtres sensibles. Peut-on parler de progrès face à de telles évidences ? Elles nous rappellent que le chemin est encore long. Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux aussi vouloir que cette maxime devienne une loi universelle dit Kant. Il est temps de la mettre en pratique et de faire preuve d'humilité face à la nature, poussière que nous sommes dans un monde qui nous dépasse mais que nous aimons à voir comme étant sous notre contrôle, alors que nous lui sommes soumis.

 

Notre rapport au monde et quelle place nous donnons à l'homme et la nature est en lien direct avec nos représentations, par essence subjectives - qui alimentent à leur tour notre vision du monde et conditionnent in fine son fonctionnement. La profondeur du monde vient de la subjectivité de l'homme qui la révèle.  Alors, reposons-nous à nouveau cette question : La nature doit-elle se plier à l'homme ou l'homme revoir son rapport à la nature et la place qu'elle occupe?

J'ai dit.

mimosa Pudica

mimosa Pudica

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Rédigé par FR2

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Publié le 10 Février 2018

Vénérable Maitre, et vous tous mes frères en vos grades et qualités, je vais par la présente vous exposer mon travail sur le rire.

 

Tout d’abord, et pour ne pas faillir à une tradition observée depuis mon entrée en maçonnerie, un petit tour dans le monde de l’étymologie et de wikipédia.

 

Le rire vient du latin « ridere » et signifie « marquer un sentiment de gaieté par un mouvement de la bouche accompagné souvent de bruits et par une expression correspondante des regards et des traits du visage.

Le rire est un reflexe qui se manifeste par un enchainement de petites expirations saccadées accompagné d’une vocalisation inarticulée plus ou moins bruyante.

Il est paradoxalement parfois associé à son contraire, les pleurs, avec qui il peut parfois se retrouver mélanger.

Enfin, il apparaît aux alentours du 4ème ou 5ème mois chez l’Homme.

Sachez également que l’expression « mourir de rire » est fondée et date d’une légende datant de l’antiquité et de la mort de Chrysippe de Soles.

Le 28 février 1907, le philosophe italien Angelo Fortunato Formiggini (1878-1938) passe à l'université de Bologne une thèse universitaire en philosophie sur la Filosofia del ridere (Philosophie du rire). Plus tard il publiera 1#5 volumes de sa collection « classici del ridere ». Où il affirme que le rire rend (sic) fraternellement solidaire les hommes. Et que l'humour est la massima manifestazione del pensiero filosofico (la plus haute manifestation de la pensée philosophique)

Angelo Fortunato Formiggini intègre la Franc-maçonnerie italienne.

Le 20 février 1904, il atteint le grade de Maestro massone (maître maçon) dans la loge maçonnique romaine Lira e spada (Lyre et épée)

 

A part cela, le mot rire vient également de l’allemand « lachen » qui veut dire « rire ». Comme l’atteste cet exemple de phrase entendue à de nombreuses reprises lors de mes séjours en Teutonie : « Ich habe wie eine dicke dumme Sau gelacht » que l’on peut traduire par « je me suis marré comme une grosse truie idiote ». Étonnant, non ?

J’ai trouvé 72 dimensions que je vais donc vous détailler une par une dès maintenant.

 

Dimension #1 : le rire : outil de rapprochement et d’intégration

Il a été prouvé scientifiquement que rire ne s’apprend pas, contrairement aux mathématiques, aux langues, à la conduite ou même à la physique quantique chère à Monsieur de Broglie. L’utilisation de ce même rire est beaucoup plus d’actualité en société que seul (rire tout seul en gros…).

Dans nos sociétés nous utilisons le rire quasiment de la même manière, cependant au Japon les Nippons rient face à un grand stress ou une grande peur. Chez nous cet individu pourra être perçu comme fou.

Trouver le bon mot, rapidement, pour tisser un lien avec l’autre. Plusieurs fois j’ai vécu cela, lorsque soit je cherche cette approche ou bien lorsque mon interlocuteur utilise cet outil qu’est le rire, pour se rapprocher de moi (bridger comme on dit en franglais).

« Quelque chose de mécanique dans quelque chose de vivant » C’est ainsi que Bergson définit le comique. Telle est la thèse principale d’une de ses œuvres, que je me garde bien de lire cela dit en passant, sous une forme compacte et abstraite. L’argument est difficile à résumer, tentons de le simplifier.

Le rire sert de correctif. Il est une des institutions qui permettent aux gens de vivre en société, il n’existe que s’il est partagé, or partager quelque chose avec l’autre est par définition le début du rapprochement n’est ce pas ? Bien qu’il y ait différents types de traits antisociaux et de comportement, nous ne rions que de certains d’entre eux. Nous rions des gens quand ils se comportent d’une manière qui donne l’apparence d’un simple mécanisme. Ordinairement nous attendons des gens qu’ils observent ce qui se passe autour d’eux et qu’ils adaptent leur comportement en conséquence. Quand quelqu’un déroge à ce principe, on rit de lui. Le rire sonne comme un rappel à l’ordre social.

Celui qui ne rit jamais, à l’inverse, s’auto-exclut quelque part de la communauté. Prenez garde mes frères à essayer le plus que vous pourrez de partager le rire, soit le vôtre en tant qu’émetteur, soit celui d’autrui en tant que récepteur.

Avez vous envie de rire avec ou grâce à Salah Abdeslam ?

 

Dimension #2 : le rire pour se libérer

Ceux qui font rire sont très souvent emprunts à une certaine timidité maladive, qui peut trouver sa genèse dans un manque de confiance en soi. Vous savez sans doute tous que certains comiques tels de Funès, Coluche etc étaient de grands timides. Le fait de provoquer de l’empathie et de quelque part pouvoir se relier aux autres par le rire, donne justement cette confiance. Ce qui paraît assez antinomique au final, puisque s’extérioriser est l’opposé du manque de confiance en soi. Les plus malins sont ceux qui choisissent leur moment, d’habitude très réservés et en retrait, ils assènent leurs mots comme le torero des banderilles. Ils ont la plupart du temps un franc succès puisqu’ils sont rares dans ce domaine.

A l’inverse, ceux qui reçoivent, en profitent souvent pour asseoir encore davantage leur confiance en eux, si possible en société, afin de montrer leur présence. Ils se libèrent quelque part également, se rassurant qu’ils existent. Je suis certain que vous pouvez identifier dans votre entourage ces personnalités au rire très expansif. Cela leur plait donc également, tout le monde y gagne.

 

Dimension #3 : l’universalité du rire

Selon Descartes, qui a consacré 3 chapitres dans son livre « les passions de l’âme » en 1648, le rire est un acte de communication universel. Il s’agit d’abord d’un réflexe physique qui permet d’exprimer ses émotions qui font partie du quotidien : la joie, la gaieté, le bonheur, l’humour et la satisfaction…

Le rire est un mouvement, un état spontané du corps. Il intervient à un moment précis sans donner l’impression d’être contrôlé et procure de la joie et du bien-être.

Attention cependant à ne pas tomber dans le panneau. Dans nos sociétés modernes, le rire prend sa source généralement dans la moquerie (de l’autre ou d’une situation). Au Japon c’est différent comme je l’ai expliqué. En Chine il s’agit de l’image même de la personne. Il semble que les peuples ont une vision différente du rire. Je n’ai personnellement ri qu’une seule fois à une blague en allemand par exemple : was kriegt eine Frau nach einem Jahr ohne Unfall ? ein zweiter Gang….

Je ne suis pas franchement certain de l’Universalité du rire, je crois que les modèles plus ou moins imposés de vie et de pensées font que le rire ne peut et surtout ne doit être universel.

N’avez vous d’ailleurs jamais remarqué que vous ne riez pas aux moments que les rires enregistrés dans une série télé ? Le Miel et les Abeilles / Helene et les garçons ? Cosby Show ou Madame est servie ? Même les jeux télés s’y sont mis ces dernières années. Vous pensez tous que c’est ridicule, et bien c’est bon signe.

Une universalité du rire entrainerait un grand danger, tout comme on serait obligé de penser la même chose au même moment.

Au risque de choquer, j’ai voulu démontrer qu’un de nos concepts fondateurs pouvaient être reflété de manière très crâne dans ma présente planche, et paf ! et bien je vous ai prouvé le contraire.

 

Dimension #4 : le rire outil professionnel

Le rire abîme le pouvoir en fustigeant ses dogmes et ses pratiques.  Ce n’est pas de moi mais de quelqu’un d’autre.

Comment le pouvoir s’en défend-il ? Les interdits pèsent sur les caricatures et sur les textes, différemment selon les époques, et leurs auteurs s’ingénient à les contourner ou les transgresser. Comment s’exerce et évolue la fonction politique du rire ? Quel est le statut social des carnavals, des spectacles comiques, des caricatures, des épigrammes, de la littérature humoristique, et quel est le sens de leurs débordements éventuels ?

Mais aussi, la dérision peut se faire instrument d’un pouvoir. Elle se tourne alors vers les minorités qu’elle stigmatise en brocardant leurs différences. Les rires préenregistres soutiennent un spectacle convenu, qui a vocation à rassembler autour d’une pensée commune. Faut-il alors distinguer entre un rire qui fait avancer le social en le bousculant et un rire à visée populiste? J’en prends pour exemple une situation que je suis sûr tout le monde a vécu : rire de manière obligatoire à une parole, qui se veut drôle, Comment le rire médiatise-t-il l’agressivité ? Est-il un exutoire qui permet de désamorcer la violence, ou un catalyseur des foules au service du maintien de l’ordre établi ?

Je vous invite à visionner (ou revisionner pour ceux dont la culture cinématographique se résume au Grand bleu ou a Matrix) le film « Ridicules » de … celui qui l’a tourné. Il relate les aventures d’un gentilhomme de province venu chercher secours à la cour justement, afin de débloquer les fonds nécessaires aux travaux d’assainissement de sa région, et ainsi de sauver des vies humaines. Il atteindra le Roi grâce au rire, symbole à l’époque des Lumières, d’intelligence et de vivacité d’Esprit.

 

Dimension #5 : le rire preuve de capacités cérébrales

Selon Henri Bergson, le rire est purement cérébral: être capable de rire exige une attitude détachée, une distance émotionnelle par rapport à l’objet qui déclenche le rire. J’irai plus en avant, en expliquant que rire ou provoquer le rire nécessite une certaine rapidité d’esprit qui ne peut de surcroit être possible que si l’esprit est libre (les bons mots, les mimiques, les saillies verbales) et donc qui implique une certaine capacité de réaction du cerveau. Je connais pour ma part des gens très bien, très intelligents professionnellement et même très doctes, mais qui ne me font par rire du tout ; et d’ailleurs ne font rire personne. A l’inverse, vous n’allez tout de même pas osé d’avouer que vous n’avez jamais littéralement explosé de rire ou pris d’un fou rire à une blague du pochtron du bistrot du coin de la rue ?

Le rire est davantage lié à une prédisposition cérébrale qu’à un statut social ou qu’à une éducation. Non, il n’y a pas d’école du rire, et elle n’est pas à Bruxelles. Est-il utile de rappeler à cette assemblée plutôt érudite, que les Rois avaient des guignols, des bouffons dont la seule mission était d parer au manque d’esprit comique de ces mêmes hauts personnages ?

Les grands acteurs tragiques sont généralement très envieux de leur collègues comiques, puisque le comique peut être tragique (cela peut l’objet d’une autre planche d’ailleurs) mais le tragique n’arrive que rarement à être comique et susciter le rire (sauf Georges Marchais, certes je l’avoue).

Cette capacité cérébrale, portée par une bonne âme peut faire des miracles. Dans le cas contraire, il ne s’agira plus ou moins que du rire cynique, alliage de supériorité cérébrale à un désir de blesser ou de cliver. Gare à ceux qui s’y aventureront, la frontière est mince et l’horreur peut poindre le bon de son nez (les suicides d’enfants bouc-émissaires par exemple).

 

Dimension #6 : l’avenir du rire et le rire en FM

Le rire n’a aucun avenir.

Comme je viens d’essayer de le démontrer, nous n’avons pas besoin de rire et surtout pas besoin du rire. Je pense donc que celui-ci n’a aucune sorte d’avenir dans notre civilisation.

Pour citer une fois de plus Bergson, la fonction du rire est d’intimider en humiliant …

J’ai personnellement donc décidé de ne plus jamais rire, et ce dès maintenant, là, tout de suite. Finie la gaudriole et la légèreté de mon être. Je veux être universel, je ne veux pas me rapprocher ni m’intégrer, je n’ai aucune envie de me libérer de quoique ce soit et enfin j’adore les interdits et respecter les dogmes et leurs pratiques en tout genre.

Je vous inciterai donc, mes très chers Frères et surtout Vous, mon très cher VM, à remiser au vestiaires vos calembours, vos jeux de mots, vos traits d’humour, vos joutes verbales, vos saillies drolatiques et autres effets comiques.

Je proposerai même de bannir sévèrement le rire de notre société, en commençant par cette respectable loge. Imaginez une société sans rire ? Une société parfaite, ou nous ne serions que des clones, sans imagination et ou la manière de se rapprocher des autres serait exclusivement liée soit aux vêtements, soit à la classe sociale, le type de bagnole, l’entreprise, les opinions politiques et autres pulsions ou envies plus ou moins avouables, que sais-je encore.

Et puis une société sans rire est une société sans femme. Vous avez déjà rie à une blague de votre femme ? Je n’ai jamais rit à une blague de vos femmes. Les femmes ne sont donc pas drôles, et étant donné qu’elles sont l’avenir de l’homme, notre avenir n’est pas drôle, donc pas de rire.

 

Ne riez pas ! Un monde sans rire nous débarrasserait de bien des individus dénués d’esprit (les Hanouna, Zemmour ainsi que d’un bon nombre de politiques et compagnie).

 

MMTTCCFF et vous mon TCVM, j’espère vous avoir si ce n’est décoché un rictus, du moins fait un tant soit peu réfléchir à l’outil de cohésion et de rapprochement que peut être le rire. Personnellement j’y crois

 

J'ai dit Vénérable Maitre.

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